Comme un boomerang

Les sujets de sa gracieuse majesté (je sais, mais c’est l’expression consacrée) sont appelés aux urnes ce jeudi afin de renouveler les 650 députés de la chambre dite basse, celle des Communes, par opposition à la chambre haute, celle des Lords. Ces élections ont été voulues par Theresa May afin de conforter et de renforcer sa majorité dans le but de négocier les conditions de sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne en position de force. Alors qu’une large victoire semblait promise aux conservateurs, les récents attentats terroristes et la campagne électorale paraissent avoir changé la donne.

Les torys pourraient ne disposer dans la future assemblée que d’une majorité relative, si ce n’est pire, selon les dernières enquêtes d’opinion, alors qu’ils détiennent la majorité absolue actuellement. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de Jacques Chirac, quand il avait décidé en avril 1997 de dissoudre l’Assemblée nationale. À l’époque, les élections avaient abouti à lui imposer un gouvernement de cohabitation dirigé par le chef de l’opposition, Lionel Jospin. Toutefois, Chirac n’avait pas été obligé de démissionner, alors qu’en Angleterre, la reine désigne le chef du gouvernement en tenant compte du résultat des législatives. Autre différence, le scrutin est à un tour et une majorité relative suffit à être élu député. Comme Theresa May, Jacques Chirac avait hérité d’une majorité à son arrivée au pouvoir, et avait voulu la façonner à son image. Paradoxalement, plus une majorité est large et plus sa tendance à l’autonomisation est forte. François Hollande en a fait l’expérience avec le mouvement des frondeurs.

Au cas où Theresa May obtiendrait une courte majorité, ce qui est loin d’être avéré au regard des fiascos des précédents sondages notamment concernant le Brexit, elle pourrait bénéficier d’un effet de solidarité maximale de la part de ses partisans. À l’inverse, en France, la large majorité prédite au mouvement En marche, passée l’euphorie des premiers moments, pourrait se révéler encombrante et favoriser les forces centrifuges, d’autant plus qu’elle est traversée par des courants contradictoires et de vieux clivages qui pourraient avoir la peau plus dure qu’il n’y parait. Alors qu’Emmanuel Macron a fait campagne sur la disparition des oppositions droite-gauche, au Royaume-Uni c’est bien le choix entre des conservateurs traditionnels et des travaillistes défendant les valeurs progressistes du Labour, loin des compromis à la Tony Blair, qui va déterminer l’issue du scrutin. Et cela d’autant plus que les fantoches du parti Ukip, tout encombrés de leur victoire inespérée dans le référendum du Brexit, incapables de tenir les folles promesses totalement infondées de la campagne, ont pratiquement disparu de l’échiquier politique avec leur leader Nigel Farage. Theresa May a voulu pousser le bouchon conservateur le plus loin possible. Il pourrait bien lui revenir en pleine face, comme un boomerang.