Lindbergh et compagnies

Dans la chanson qu’il interprétait en 1968 avec Louise Forestier, Robert Charlebois énumérait un certain nombre de compagnies aériennes : Québec Air, Transworld, Nord-East, Eastern, Western, et Pan-American. Il allait même jusqu’à mentionner les compagnies de pigeons voyageurs et de tapis volants, mais ne faisait aucune allusion à cette compagnie américaine, United Airlines, qui vient de faire la une de l’actualité à deux reprises et pour des motifs peu glorieux. Comme c’est devenu la coutume, la compagnie pratique le surbooking, c’est-à-dire qu’elle vend plus de billets que le nombre de places que contient l’avion, comptant sur des désistements de dernière minute pour caser tout le monde.

Sur le vol de Chicago à Louisville, dimanche, il y avait donc 4 passagers surnuméraires et malgré une offre de dédommagement de 400 dollars, aucun voyageur n’acceptait de céder sa place. Le doublement de la prime n’a pas eu plus de succès. Dans un cas pareil, la compagnie est autorisée à désigner d’office des volontaires par tirage au sort. Cependant, un des passagers refusait obstinément d’obtempérer et il a été violemment expulsé par des agents malgré une farouche résistance. Par malchance pour United Airlines, toute la scène a été filmée et mise en ligne, ce qui a conduit le PDG à présenter des excuses tardives pour tenter de raccommoder les morceaux. Ce sera difficile, car sa compagnie avait déjà fait parler d’elle en mal au cours du mois précédent. Cette fois, il s’agissait de deux fillettes d’une dizaine d’années, interdites de vol parce qu’elles portaient des leggins. Cet incident avait déjà été relayé sur les réseaux sociaux et avait entrainé de vives protestations. Certaines clientes célèbres avaient indiqué avoir voyagé avec des tenues beaucoup plus osées sans qu’on leur fasse la moindre remarque.

La défense de la compagnie avait alors été déjà plutôt contre-productive, car elle avait argué du fait que ces petites filles étaient transportées à titre gratuit en tant qu’enfants de personnels navigants. En somme, circulez, il n’y a rien à voir, on fait ce que l’on veut chez nous. C’était peut-être vrai à une certaine époque, mais celle-ci semble révolue, à l’heure d’Internet. Plus rien ne peut rester secret très longtemps et les effets de telles publicités négatives peuvent se révéler rapidement dévastateurs. On l’a vu en politique, en France par exemple, on pourrait le voir sur le plan commercial, si de nombreux Américains décidaient de donner suite aux menaces de boycott à l’encontre de cette compagnie qui se croit décidément tout permis. Aucun évènement ou presque n’échappe à une vidéo produite par un smartphone, et l’image a un pouvoir de persuasion infiniment plus élevé que le plus beau des discours. Avec ses bons et ses mauvais côtés.