Chers voisins

Je veux plus particulièrement parler des miens, c’est-à-dire de tous ceux qui habitent à proximité de ma maison et que je suis appelée à rencontrer ou tout au moins croiser au quotidien. Nous sommes tous habitants d’un quartier qui, il y a 20 ans, était très rural, et qui, petit à petit, s’est vu enrichir d’habitations nouvelles. Leurs occupants pour la plupart sont de jeunes couples avec quelques enfants avec des revenus confortables étant donné le prix du terrain et des constructions.

Au départ, chaque nouvel arrivant qui avait presque toujours la politesse de se présenter aux anciens avait droit souvent à un petit cadeau d’accueil. Plutôt dynamiques, les nouveaux résidents ont même mis en place le quatrième dimanche de juin une rencontre appelée « la Graindorgeais en fête ». Cela ressemblait beaucoup à ce qui a été mis en place plus tard en ville, « la fête des voisins ». C’était une bonne initiative qui avait pour but de mieux se connaître les uns les autres. Mais plus la population du hameau a augmenté, plus cette rencontre est devenue artificielle et s’est essoufflée, comme s’il n’y avait de convivialité possible que sur un groupe restreint !

La multiplicité des arrivées a aussi fait surgir des disparités dans le groupe social, amenant à des affrontements et des incompréhensions réciproques, et l’apparente convivialité à vite voler en éclats amenant chacun à se replier sur lui-même.

Selon le principe que la terre est au premier occupant, ceux qui ont occupé le territoire avant le boom immobilier tiennent peu compte des besoins de cette nouvelle population qui a quitté la ville pour trouver le calme à la campagne. Ils campent sur leurs positions et continuent à élever leur volaille bruyante. À ceux qui leur demandent gentiment de ne plus avoir de coq qui les réveille à cinq heures du matin, ou de faire en sorte que les aboiements de leur chien à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit cessent, la réponse est claire et sans appel : vous êtes ici à la campagne, il faut en accepter les réalités !

On est loin de l’idéologie des voisins solidaires, des échanges gratuits, tout devient plus difficile dès qu’on dépasse dix résidences… apparemment, seul le rapprochement de territoire permet des communications détendues… ou agressives, chacun vivant protégé dans sa bulle !

Je n’ai jamais habité en ville, les voisinages y sont sûrement encore plus difficiles. Une proximité physique plus étroite renforçant une impression de manque d’espace et de liberté doit donner un sentiment de solitude au milieu de la multitude ainsi que provoquer des réactions de défense pour se protéger de l’envahissement des autres.

Tout compte fait, j’assume mon choix d’entendre les oies de mon voisin plutôt que les klaxons et le roulement des tramways. Vivre ensemble n’est pas facile, les autres ce n’est ni l’enfer ni le paradis, peu importe le lieu de la vie sociale, c’est toujours une mise à l’épreuve de notre capacité de communication et de respect de la liberté d’autrui, vous savez, celle qui commence où s’arrête la mienne !

L’invitée du dimanche