Il revient et il n’est pas content

Qui donc ? Le shérif américain bien sûr ! il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas candidat à l’élection présidentielle et que je ne suis pas tenu, par voie de conséquence, à donner un avis sur la question de la frappe américaine en Syrie de façon binaire, pour ou contre. Tout au contraire, j’ai le droit, et je m’en fais un devoir de réagir de façon plus nuancée, sans être taxé instantanément de collusion avec les uns ou les autres, protagonistes de cette question épineuse.

Pour commencer, peut-on imaginer que l’emploi des armes chimiques contre la rébellion syrienne ne soit pas le fait du pouvoir en place à Damas ? Même les Russes n’évoquent cette hypothèse que par principe. Bachar El-Asad ne s’est pas gêné par le passé pour les utiliser, et s’était même engagé à détruire ses stocks. Il aurait apparemment conservé une partie de son arsenal. Son attitude ne peut cependant être considérée que comme une provocation, au moment où il a reconquis la plus grande partie du territoire « utile » de la Syrie, et où il aurait pu mener des négociations de paix en position favorable. Peut-on lui faire entendre raison dans le cadre de l’ONU ? Non, du moins tant que la Russie et la Chine bloqueront toute résolution et toute décision du Conseil de sécurité. Dans ces conditions, une intervention américaine unilatérale peut-elle être considérée comme légitime ? Pas davantage. Il n’est nulle part écrit que les États-Unis seraient investis d’une mission universelle de maintien de l’ordre. Ils se sont arrogé ce pouvoir uniquement parce qu’ils sont à peu près les seuls à en avoir la capacité. Comme le disait Clint Eastwood dans un western, ils ont le colt, et nous, on creuse. Faute d’un consensus international, c’est toujours la loi du plus fort qui prévaut, et les Américains n’en ont pas le monopole.

Au moment de la campagne présidentielle américaine, nous avons été nombreux à nous inquiéter de l’éventualité de confier les codes nucléaires à Donald Trump, un candidat tellement colérique et imprévisible. Cet épisode confirme nos craintes et démontre que le désormais président de la plus grande puissance mondiale peut prendre des décisions aussi graves sous le coup de l’émotion, comme il l’a lui-même déclaré. À l’évidence, ce n’est qu’en réformant en profondeur le fonctionnement des instances internationales, et au premier chef celui de l’ONU, trop souvent paralysée par la règle du droit de véto, un héritage du passé qui n’a permis d’éviter aucun conflit, que l’on pourra espérer réguler les différents entre nations sans le recours massif à l’arbitraire qui est de mise aujourd’hui.