Les nécrophages

L’actualité judiciaire ne chôme guère ces temps-ci. Après l’incarcération d’un ancien président de la république, qualifiée par une infime partie de la population comme un déni de justice, qui en a fait le prétexte pour dénoncer l’application de la loi selon que l’on soit puissant ou misérable, et justifier après coup une justice d’exception, s’est ouvert un nouveau procès à sensation, celui de la meurtrière de Lola, 12 ans. Elle reconnait avoir violé, torturé et tué la fillette avant de tenter de faire disparaître son corps dans une malle. Ce crime est particulièrement sordide, et, comme si cela ne suffisait pas, il a fait l’objet d’une tentative de récupération et d’instrumentalisation de la part de groupuscules d’extrême droite.

En effet, la meurtrière présumée de Lola est une femme de nationalité algérienne, qui faisait l’objet d’une OQTF, une obligation de quitter le territoire français. Il n’en faut pas plus au « collectif Némésis » pour dénoncer un crime raciste et qualifier Lola de « victime de l’immigration ». Le raisonnement est aussi simpliste que fallacieux. Si Dahbia B. avait été expulsée, elle n’aurait pas pu commettre ce crime, c’est bien évident, mais la tromperie réside dans le signe d’égalité entre la nationalité étrangère et la criminalité, caractéristique de la droite la plus raciste et réactionnaire dans notre pays. Le collectif Némésis insiste d’ailleurs lourdement sur la nationalité française de la victime, sans qu’aucun lien ne soit établi avec les mobiles éventuels de l’accusée. Non seulement la famille de la victime n’a demandé aucune manifestation de soutien de qui que ce soit, mais elle a explicitement appelé à cesser d’utiliser la mort de Lola à des fins politiques, d’où qu’elles viennent. Ce fameux collectif Némésis, qui se prétend féministe, est surtout connu pour ses positions xénophobes et sa proximité avec Éric Zemmour.

Le choix de ce nom est particulièrement révélateur, puisque l’on sait que Némésis est une déesse de la mythologie grecque personnifiant la vengeance.   En ce sens, elle est totalement antonyme de la notion de justice, qui permet de médiatiser et de mettre à distance les litiges entre les individus par l’intermédiaire d’une institution supposée libre et indépendante. Au lieu de régler les conflits, on les perpétue au travers d’une vendetta interminable dont la rationalité finit par échapper à tous et l’origine se perdre dans la nuit des temps. Cette mouvance, qualifiée parfois d’identitaire, prend des formes diverses et se nourrit d’affaires comme celles de Lola, montées en épingle dans le but de faire peur et exploite des émotions légitimes à des fins de propagande. La fondatrice du groupe en question, Alice Cordier, qui a sévi un temps aux « Grandes Gueules », se revendique comme influenceuse, mais se révèle plutôt influencée, notamment par l’Action française ou des mouvements néonazis. Elle est le symptôme d’une droitisation inquiétante de la société.