L’école dans le viseur

Le phénomène n’est pas nouveau, mais il prend de l’ampleur. La nation a depuis longtemps délégué aux enseignants le pouvoir et la mission de réguler les phénomènes sociaux, en particulier sur tout ce qui concerne la laïcité. L’école est supposée constituer un havre de tranquillité au milieu d’une société traversée par des courants contradictoires. Cette sanctuarisation a plus ou moins joué son rôle depuis les lois instituant l’école publique, laïque et obligatoire, tant qu’elle a correspondu à une sorte de consensus. Malgré les conflits liés à la concurrence avec l’enseignement privé, les « hussards noirs de la République » avaient le sentiment de mener un juste combat contre l’obscurantisme et pour l’épanouissement des générations à venir, en ayant la reconnaissance de la société.

Cette époque semble désormais révolue. Le temps où l’instituteur était fréquemment également le secrétaire de mairie, voire le maire de la commune, est désormais assez loin. Non seulement son prestige a disparu, mais sa simple autorité sur le fonctionnement de l’école est remise en question. C’est ainsi que le proviseur du lycée Maurice Ravel à Paris a fait l’objet d’une campagne de dénigrement et de menaces de mort pour avoir demandé le respect de la loi concernant l’interdiction du voile dans son établissement. L’affaire, banale en apparence, est allée très loin parce que l’élève concernée a accusé faussement le chef d’établissement de l’avoir molestée. Le Premier ministre a annoncé son intention de porter plainte pour dénonciation calomnieuse, alors que la justice a déjà débouté la plaignante pour insuffisance de preuves de son assertion, mais le mal est fait. Le proviseur, à quelques mois de la retraite, a jeté l’éponge en démissionnant de son poste, ce que l’on peut regretter, mais comprendre. D’autant que ce n’est pas un cas isolé, mais semble répondre à une offensive planifiée de la part de réseaux islamistes, qui testeraient les capacités de résistance de notre communauté éducative.

Il est clair que l’on demande de plus en plus à l’école de résoudre les problèmes globaux posés à l’ensemble de la société. Les chefs d’établissement ne sont pas là pour exercer des fonctions de police ou de maintien de l’ordre. Une lycéenne qui refuse d’enlever son abaya, signe extérieur de sa religion, en contradiction avec la loi de 2004 qui interdit les symboles manifestes religieux à l’école, se place en infraction et crée une situation inextricable dont l’établissement ne peut sortir qu’en faisant appel aux forces de police, une « solution » portant grand préjudice à la sérénité de l’enseignement. Et le pire est à l’extérieur, où le cyberharcèlement peut conduire à des désastres comme l’assassinat de professeurs, tels que Samuel Paty, Agnès Lasalle ou Dominique Bernard, pour ne citer que les plus récents.