Place nette à Marseille

Reconnaissez que ça claque. Place nette, ça fait un peu penser à l’opération « mani pulite », mains propres en italien, menée dans les années 90 par des juges anticorruption chargés de débusquer et de condamner les corrompus et les corrupteurs. Sans vouloir être désagréable avec nos institutions, qui font ce qu’elles peuvent avec les maigres moyens qui leur sont alloués, l’ampleur du dispositif annoncé hier par le président de la République, malgré son qualificatif XXL, est très loin d’être comparable. À l’époque, 4000 suspects avaient été mis en examen chez les politiques comme chez les entrepreneurs, parmi lesquels 1400 personnes seront condamnées et 41 se suicideront pour échapper à la honte d’un jugement.

Les objectifs affichés par le président sont ambitieux. Pas moins de 4000 points de deal ont été dénombrés sur le territoire français. Et ce n’est probablement que la partie émergée de l’iceberg. Dans ces conditions, à part frapper les esprits en tentant d’intimider des voyous qui n’hésitent pas à risquer leur vie pour conserver les revenus gigantesques engendrés par le trafic, que peut faire la police ? On sait très bien que les points de deal à peine fermés se reconstituent immédiatement, parfois à proximité immédiate, et que l’appât du gain, associé aux menaces, permet une forme d’impunité. Les caïds locaux ont plus à craindre de leurs rivaux immédiats que des forces de l’ordre. Même incarcérés, les barons de la drogue continuent à gérer leurs affaires depuis leurs cellules, en faisant tourner une économie parallèle qui fait vivre tout le quartier. Pour assécher le trafic et couper l’approvisionnement, il n’y a pas d’autre solution que de démanteler les filières qui acheminent les produits de leur source vers les consommateurs. On n’a pas l’impression que les gouvernements le veulent vraiment.

Le président Macron a mis l’accent sur l’autre volet de la lutte contre la drogue, la pénalisation des familles des trafiquants, notamment de jeunes guetteurs embrigadés très tôt par les « grands frères » à grand renfort d’argent facile et de prestige de la violence. Ces familles seront « aidées », de force si nécessaire, ou punies en cas de besoin. Peu importe si cela n’a aucun effet concret, et s’il faut multiplier pour cela les Centres éducatifs fermés. N’oublions pas non plus la réglementation qui s’attaque aux consommateurs, avec une amende forfaitaire pouvant aller jusqu’à 2500 euros, mais dont le « rendement » est assez faible, et la justification contestée, au moment où d’autres pays ont légalisé un usage « récréatif » du cannabis. En résumé, une nouvelle fois, beaucoup d’effet d’annonce pour un résultat modeste : 500 kg de cannabis saisis selon un bilan récent du ministère de l’Intérieur, alors que le trafic est estimé à 150 tonnes par an pour ce seul produit.