De la disette à la famine

Comme le rappelle l’Académie française, les deux termes ne sont pas exactement synonymes, bien que reliés par une communauté de sens. Ce qui est en train de se passer sous nos yeux dans la bande de Gaza, c’est le passage d’un état de manque généralisé de nourriture qui frappe les populations, à une lente agonie faute de vivres qui entraîne inéluctablement la maladie puis la mort en commençant par les plus fragiles, les enfants. La responsabilité de l’état hébreu en forçant les populations civiles à fuir les bombardements et les combats jusqu’aux frontières est évidemment engagée, et pourrait l’amener à devoir rendre des comptes sous la qualification de crime de guerre, voire de génocide.

Ces déplacements de population ne peuvent pas être justifiés par les attentats menés par le Hamas, aussi condamnables soient-ils. Les dirigeants israéliens ne peuvent pas se mettre au même rang que ceux qu’ils dénoncent, sous peine d’apparaître eux-mêmes comme des barbares ne cherchant que la vengeance, le contraire de la justice. L’aide internationale indispensable à la survie des Gazaouis ne passe qu’au compte-goutte par des canaux en forme de goulets d’étranglement. Chaque camion retardé signifie la mort pour une partie des 1,2 million de personnes entassées et parquées sur un espace qui se réduit sans arrêt. Malgré la réprobation qui se généralise, le commandement en chef israélien organise et planifie de nouveaux raids sans souci des conséquences.

Une anecdote récente illustre bien à mon avis le fossé entre les deux peuples qui cohabitent tant mal que bien sur un territoire exigu. Un des principaux leaders des Palestiniens, Marwan Barghouti, condamné à plusieurs peines de prison pour ses activités contre Israël, et considéré par beaucoup comme celui qui pourrait réunifier les diverses branches de la cause palestinienne, a été transféré dans une prison à régime plus sévère, parce qu’il avait exceptionnellement bénéficié d’une nourriture normalement réservée aux seuls prisonniers hébreux, comprenant de la viande. Le gardien fautif, pour sa part, aura droit à un blâme et trois jours d’emprisonnement. Depuis son transfert, Marwan Barghouti aurait été tabassé et mis à l’isolement dans une cellule dépourvue de lit et de fenêtre, selon ses proches. Cerise sur le gâteau, j’apprends qu’en 2019, une députée du Likoud, le parti du Premier ministre qui se maintient au pouvoir à la faveur de la guerre contre le Hamas, avait révélé que Benyamin Netanyahou était sur le point de devenir végétarien ainsi que toute sa famille. Ce dont elle se félicitait, du point de vue du combat pour le bien-être animal. Je ne sais pas si cette orientation reste encore de mise actuellement, mais elle ne devrait pas empêcher l’action en faveur des êtres humains.