À l’Est du nouveau

Oui, une nouveauté chez nos amis et voisins suisses, qui étaient appelés le 3 mars dernier à se prononcer directement sur une question importante selon le mécanisme de la « votation », similaire à notre référendum. Il s’agissait de retraites, et deux questions étaient posées aux citoyens helvétiques. D’une part, le report de l’âge de départ de 65 à 66 ans, repoussé par près des trois-quarts des votants, et d’autre part, le principe d’accorder une treizième « pension » aux retraités pour compenser l’inflation et la hausse du coût de la vie, adopté par 58 % des suffrages répartis sur plus de la moitié des 26 cantons de la Confédération.

Contrairement à notre système budgétaire, il appartiendra au gouvernement de déterminer le financement de cette mesure, qui devrait coûter environ 4 milliards par an aux finances nationales. Raison pour laquelle les partis de droite et les centristes avaient fait campagne contre le projet, soutenu de son côté par les partis de gauche et les syndicats. Alors, n’allez pas croire que la Suisse a tout simplement viré sa cuti et basculé dans un régime révolutionnaire, un rôle plutôt dévolu à la France, dans ce que son histoire a produit de plus intéressant. D’ailleurs, ce système de démocratie directe ne présente pas que des avantages, comme en témoignent de nombreux votes dans le passé, où les tendances xénophobes ont souvent pris le pas sur la générosité espérée d’un pays neutre et paisible. Il est très difficile d’obtenir la nationalité helvétique, à moins de présenter de solides garanties bancaires, et les frontaliers qui perçoivent certes des salaires plus élevés qu’en France, ne sont que de la main-d’œuvre immigrée sans droit de vote.

Donc, le modèle suisse n’est pas nécessairement exportable, mais il est intéressant à observer. Les adversaires du 13e mois de pension ont déjà prévenu que la contrepartie de ce « cadeau » serait nécessairement recherchée dans un relèvement des impôts. Autrement dit, ce serait un jeu à somme nulle, ce que les retraités suisses toucheraient serait versé par les Suisses eux-mêmes, la poche gauche recevant le contenu de la poche droite. Précisément. C’est ce que nous appellerions communément le rôle redistributif de l’impôt, destiné à réduire les inégalités sociales, un dispositif essentiellement vertueux, dont nous pourrions nous inspirer davantage en France, au moment de transmettre un capital par exemple, ou de prélever une part des bénéfices parfois monstrueux de certaines sociétés. Quant aux procédés de consultation du peuple, sans tomber dans des excès possibles d’un recours systématique au référendum, il devrait être envisageable d’en organiser de temps en temps notamment sur les questions de société et les orientations générales qui touchent la plupart des citoyens et leur sont souvent imposées de façon plus ou moins subtile.