Guerres et paix

Si j’avais été sollicité par le président de la République comme les différents chefs de parti ou les anciens présidents encore vivants, ce qui ne risque pas d’arriver et c’est peut-être aussi bien comme ça, pour donner mon avis sur la conduite à tenir vis-à-vis de Vladimir Poutine, je pense que j’aurais été très embarrassé. Évidemment, spontanément, je me définirais comme pacifiste, mais pour faire la paix, tout comme pour faire la guerre, il faut être au moins deux, et cette condition première et fondamentale n’est actuellement pas remplie. Il est tout à fait clair que le dictateur russe, qui a récemment repris du poil de la bête, n’a pas renoncé à ses objectifs de conquête territoriale aux dépens de ses voisins et que les seules négociations qu’il envisage consisteraient dans des pourparlers autour de la capitulation ukrainienne, ce qui est inacceptable, et même contreproductif si l’on croyait acheter ainsi une tranquillité à court ou moyen terme.

Seul un rapport de forces défavorable à la Russie peut l’amener à renoncer à tout ou partie de ses revendications territoriales, qui s’appuient sur la présence de populations russophones dans divers pays ou régions proches, qui ne sont nullement menacées par le régime de Kiev, mais ont parfois été annexés de fait comme en Crimée. L’absence de réaction des démocraties à ces violations du droit international a conforté la conviction russe de pouvoir prendre par la force ce qu’on lui refusait par le droit. Faut-il pour autant envisager une guerre interminable se poursuivant jusqu’à la capitulation de Moscou ? Cette perspective, d’où les forces en présence sortiraient ruinées, ne semble pas réalisable. Il ne reste qu’une voie, et elle est étroite, c’est de fournir réellement une aide substantielle à l’Ukraine, avec tous les moyens qui ont été déjà promis, en les amplifiant si nécessaire, de manière à décourager le régime de Moscou et lui démontrer dans les faits que la solidarité avec les peuples agressés n’est pas un vain mot.

Je crois par ailleurs que la position de l’ancien président Hollande, dont je n’ai pas partagé tous les choix de politique sociale, est diplomatiquement la plus efficace, qui consiste à faire plus qu’à dire. Il me paraît utile d’abandonner tambours et trompettes en la matière. Ce qui peut marcher, bien que j’en doute, en matière d’effet d’annonce dans le cadre de la politique intérieure, est inutile, voire dangereux en politique étrangère, comme en témoigne l’erreur stratégique d’Emmanuel Macron sur l’éventualité de l’envoi de troupes au sol, qu’il n’en finit plus de devoir expliquer ou justifier, tout en faisant la démonstration de la division des pays européens sur ce sujet. Désormais, nous ne pouvons plus qu’aider les Ukrainiens au moins à ne pas perdre cette guerre et leur permettre de garder la maîtrise de leur propre destin.