El pueblo unido

… jamás será vencido ! Ce slogan, utilisé par le groupe chilien Quilapayun dans une chanson très populaire au Chili, signifie que le peuple uni ne sera jamais vaincu, mais au Chili comme ailleurs il relevait davantage de l’incantation et de l’espoir que de la réalité et l’incarnation. Peut-être parce que la condition nécessaire, l’unité, est bien difficile à obtenir, et que de surcroît elle est rarement suffisante. Et pourtant, le Chili vient de se doter d’un président indiscutablement de gauche qui a devancé nettement un adversaire de la droite dure au second tour de l’élection présidentielle.

Gabriel Boric est un jeune (35 ans) député sans étiquette, qui s’est illustré comme militant syndicaliste étudiant, et qui a su fédérer autour de lui une coalition rassemblant les partis de gauche, des communistes aux sociaux-démocrates en passant par les écologistes. Son programme se prononce clairement pour les droits des travailleurs et un rôle accru de l’état, face au libéralisme effréné de son adversaire Jose Antonio Kast, ouvertement hostile à l’avortement et au mariage homosexuel. Cette situation rappelle bien évidemment le précédent de 1970, quand Salvador Allende accédait à la présidence en étant soutenu par le mouvement « unité populaire », avant d’être renversé en 1973 par un coup d’État militaire, téléguidé par les États-Unis et conduit par le futur dictateur Augusto Pinochet. À cette époque, beaucoup de Chiliens ont fui leur pays et la France en a accueilli un certain nombre, craignant pour leur vie ou leur liberté. Cette fois, le camp de l’extrême droite, qui a reconnu rapidement la victoire du nouveau président, devrait respecter la démocratie et le vote populaire, même si Jose Antonio Kast ne cache pas ses sympathies pour Pinochet et la période dictatoriale, lui qui promettait de l’ordre et de la discipline en guise de programme.

L’exemple chilien devrait inspirer la gauche française en lui démontrant qu’une alternative est possible. Au Chili, ce sont des gouvernements centristes pour ne pas dire de droite qui se sont enchaînés depuis le retour de la démocratie dans les années 1990. Le président chilien élu va succéder à un milliardaire, compromis dans les Pandora Papers, qui va laisser une situation sociale catastrophique, avec des mouvements de contestation populaire fréquents, rassemblant parfois plus d’un million de participants. Le pays a beau être riche de ressources minières telles que le cuivre, il est, selon l’OCDE, parmi les plus inégalitaires du monde. Il s’est doté d’une nouvelle constitution et les sujets de société ont profondément divisé l’opinion. Le premier travail de Gabriel Boric sera donc d’essayer de rassembler les Chiliens, qu’ils aient voté pour lui ou non. Pour ce combat comme pour celui de la victoire électorale, il aura besoin d’un peuple le plus uni possible.