Le monde à l’envers

C’est quand même un peu fort de café. Au 49e jour du procès des attentats terroristes du 13 novembre 2015 à Paris, quatre des principaux accusés ont refusé d’être extraits de leurs cellules pour assister aux débats du jour, sous prétexte que les enquêteurs belges qui devaient être entendus le seraient de manière anonyme et en visioconférence, et non en présence physique. Nous sommes bien d’accord que des accusés ont droit d’être défendus et bénéficier, malgré les évidences et parfois leurs aveux circonstanciés, d’une présomption d’innocence, jusqu’à leur condamnation éventuelle.

Mais il ne faudrait pas non plus renverser les rôles, comme ont tenté de la faire certains accusés dans ce procès-fleuve, et notamment Salah Adelslam, seul rescapé physique de ces attentats meurtriers ayant participé directement et activement à ces massacres, qui n’a pas eu le courage ensuite d’actionner sa ceinture d’explosifs pour mourir « en héros » selon son idéologie destructrice. Il s’en est déjà pris à l’institution judiciaire en se plaignant de ses conditions de détention, pourtant ni pires ni meilleures que celles des autres détenus, du moins ceux qui sont accusés, comme lui, de crimes particulièrement odieux. Rien à voir avec les prisons de l’état islamique, où les opposants sont jugés sommairement et exécutés de manière barbare et cruelle, au nom d’une religion dévoyée. Chaque accusé a droit à un procès équitable, fondé sur le contradictoire, mais il serait paradoxal que seuls les criminels supposés aient droit de se retrancher derrière la possibilité d’être représentés pour s’exonérer de leur présence aux débats, sans assumer les conséquences de leurs actes. À l’exception de cas de force majeure, dûment vérifiés et validés par la Cour, il me semble juste que les personnes mises en cause soient mises en face des conséquences des actes qui leur sont reprochés.

Le principal accusé ne s’est d’ailleurs pas privé de l’opportunité qui lui était ainsi offerte, pour rejeter les fautes, par un raisonnement spécieux, sur l’ancien président Hollande, coupable selon lui d’avoir déclenché les hostilités contre Daesh en sachant que cela entraînerait des conséquences pour la population française. Il rejoint ainsi le polémiste Éric Zemmour, qui devrait s’en sentir gêné aux entournures s’il lui restait un iota d’honnêteté intellectuelle. Le refus de comparaître apparait clairement pour ce qu’il est : une tentative désespérée de retourner la situation à son avantage, d’instrumentaliser la justice française en utilisant les recours destinés à protéger les innocents, et de tenter une déstabilisation idéologique de la situation. La manœuvre est aussi destinée à faire peser une menace sur les témoins à charge, en laissant entendre qu’ils doivent être facilement identifiables pour servir de cible à de nouvelles représailles, ce qui est proprement odieux et insupportable. Le procès sera encore long, et si les droits de la défense doivent être scrupuleusement respectés, il est hors de question d’offrir aux accusés une tribune ou une caisse de résonnance à leur idéologie mortifère.