Calais : la grande hypocrisie

Il aura fallu qu’un prêtre jésuite de 72 ans et deux bénévoles d’une trentaine d’années entament une grève de la faim pour protester contre le traitement indigne des étrangers dans la région de Calais pour que le gouvernement se décide à s’intéresser publiquement à ce problème en désignant un médiateur à la mission mal définie, pour tenter de mettre fin à la médiatisation du scandale. Dans un marché de dupes, le gouvernement anglais a obtenu de mettre sa frontière avec l’Europe en France et de nous laisser nous débrouiller avec toutes les difficultés que cela suppose.

Les candidats à l’immigration vers le Royaume-Uni sont toujours plus nombreux, malgré les efforts des autorités françaises pour les décourager en leur rendant la vie impossible. C’est ainsi que les migrants qui réussissent à obtenir une tente auprès des associations qui leur viennent en aide, et qui se bâtissent tant bien que mal un abri en espérant pouvoir un jour traverser la Manche, sont délogés par la police et leur matériel, ainsi que les quelques affaires qu’ils ont réussi à conserver leur sont confisquées. Il leur faudra attendre le lendemain pour essayer de les récupérer, après une nuit passée à essayer de dormir dans le froid et l’humidité, souvent à même le sol. À force, les ONG elles-mêmes en arrivent à manquer du minimum pour les mettre à l’abri. Ce sont ces conditions de survie qui sont dénoncées par les trois grévistes de la faim et les 35 000 signataires de la pétition de soutien qui a été lancée. La revendication est très simple : il faut que la France arrête immédiatement ces brimades exclusivement punitives, pendant toute la période hivernale, comme on le fait pour les citoyens français.

On voit mal ce que le médiateur désigné par le gouvernement, aussi empli de bonne volonté qu’il soit, peut négocier sur une telle question. Sa mission devrait consister à relayer cette demande de bon sens et faire en sorte qu’elle soit suivie d’effet. Et que le président de la République ne feigne pas de découvrir le problème, alors que cette question couve depuis des dizaines d’années et que les démantèlements successifs, qui ont détruit les campements sauvages, n’ont rien réglé. Et s’il l’avait oublié, un courrier du Secours catholique du 13 octobre se chargeait de lui rafraîchir la mémoire. Il serait grand temps que nous mettions fin à cette hypocrisie générale qui nous amène à faire le sale boulot dont les Anglais ne veulent pas entendre parler. Après tout, quand il s’agit de nos pêcheurs, nous savons nous montrer fermes. Que le Prime minister, notre grand ami Bojo, installe une structure dans le Calaisis pour traiter les demandes d’immigration et en attendant la réponse gère l’accueil des candidats à l’immigration avec respect et humanité. Ou qu’il le fasse chez lui, dans le Kent, s’il préfère.