Rideau de fer pas mort

Les Jeux olympiques de Tokyo sont l’occasion de vérifier une nouvelle fois que les enjeux du sport sont parfois hautement politiques. Les sportifs russes n’apparaissent pas en tant que tels, mais sous une obscure bannière dite ROC, acronyme du comité olympique russe. La Russie a été disqualifiée pour pratique du dopage d’état, mais ses athlètes ont été autorisés à concourir à visage semi-découvert, pour ne pas les pénaliser pour des fautes relevant de leur gouvernement. Si l’on se réfère aux pratiques d’autres états, en particulier la Chine populaire, cet accord est le résultat d’une hypocrisie généralisée, mais passons.

En contrepartie, saluons l’initiative du comité olympique qui a également permis à des athlètes exilés de leur propre pays de concourir sous le nom d’une équipe olympique. C’est ainsi qu’une cycliste afghane a pu participer pour la première fois aux jeux, elle qui était interdite, comme toute femme, de pratiquer ce sport dans son pays. Mais la médaille de la honte revient au Belarus, dirigé d’une main de fer derrière le rideau du même métal par Alexandre Loukachenko depuis sa prise du pouvoir en 1994. Son dernier fait d’armes a été de tenter de rapatrier de force une athlète de la délégation biélorusse sous prétexte qu’elle s’était permis de critiquer la décision de son comité olympique national de la forcer à s’aligner dans le relais 4 fois 400 mètres alors que sa distance de prédilection est le 100 mètres ou le 200 mètres. Fort heureusement, la Pologne a décidé de lui accorder un visa humanitaire pour lui permettre d’échapper aux griffes du dictateur Loukachenko.

La sprinteuse n’est pas pour autant tirée d’affaire, car sa famille et ses proches pourraient faire les frais de ce camouflet international qui fait suite aux sanctions décidées par l’Union européenne et les États-Unis pour ses multiples exactions contre journalistes et opposants au régime. Pire encore, la sécurité de Kristina Tsimanouskaya ne peut pas être totalement garantie, considérant qu’après le détournement d’un avion civil pour arrêter un opposant notoire et le placer en résidence surveillée, le régime est très probablement responsable de la mort de Vitaly Chychov, retrouvé pendu à Kiev en Ukraine, où il avait trouvé refuge et animait une ONG pour aider les ressortissants biélorusses. Le régime réagit ainsi brutalement au mouvement de contestation qui traverse le pays depuis 2020. Il n’est décidément pas disposé à accepter la moindre contestation de son pouvoir absolu. Il rejoint ainsi le « grand frère » russe avec lequel il partage le triste privilège de dernier héritier de l’empire soviétique et des méthodes autoritaires pour mettre au pas les éventuels contestataires. Depuis la guerre froide les techniques n’ont guère évolué, les « camps à régime sévère » à l’intérieur, et l’assassinat politique à l’extérieur, si nécessaire. Et le sport n’y échappe pas.