Obliger sans contraindre

C’est un peu comme faire rentrer un carré dans un cercle, ou l’inverse. Un problème mathématique connu sous le nom de quadrature du cercle consiste à tracer un carré dont la surface serait égale à celle d’un cercle donné, en se servant uniquement de la règle et du compas, ce qui est en réalité impossible. Le président Macron est parti d’une situation donnée : l’essoufflement de la vaccination alors que le virus est reparti à la hausse, avec une contrainte, forcer les Français à se faire vacciner « de leur plein gré » sans rendre la vaccination obligatoire.

C’est donc par des incitations, en donnant aux Français vaccinés des « avantages » tout relatifs, consistant le plus souvent à ne pas subir les interdictions touchant la population non vaccinée, qu’Emmanuel Macron a tenté un « coup » pour relancer les vaccinodromes pendant l’été. Ce n’était pas gagné d’avance, tant les Français sont attachés, et à juste titre, à leurs libertés individuelles. Car la stratégie envisagée consiste à leur faire ce que l’on appelle en psychosociologie une injonction paradoxale. Le prototype de cette attitude, c’est, par exemple de demander à quelqu’un : « soyez spontané ! » ce qui est quasiment impossible. Et pourtant, il faut reconnaître que cela a plutôt bien fonctionné. Au point que la difficulté sera désormais d’obtenir un rendez-vous de vaccination à temps pour être dans les clous quand la loi sera votée, une distorsion qui pourrait entraîner des observations du Conseil constitutionnel pour un respect scrupuleux de l’égalité entre les citoyens. Si beaucoup d’hésitants se seront décidés à franchir le pas en réalisant que le pass sanitaire allait forcément devenir la norme tôt ou tard pour pouvoir voyager, accéder à des manifestations culturelles sportives ou autres, à l’inverse, les opposants qui se faisaient peu entendre jusqu’ici, contrairement à d’autres pays, faisant mentir la réputation française d’indiscipline, ont donné de la voix, franchissant allègrement les bornes de la simple décence en comparant l’obligation vaccinale à la Shoah. Leur opinion, pour respectable qu’elle soit, reste toutefois très minoritaire.

Si le pass sanitaire fait assez largement consensus, ses modalités d’application se profilent bien plus compliquées. Les soignants réfractaires à la vaccination se font menacer d’une interdiction de travailler, soit un congé sans solde, ou peut-être une mise à pied provisoire, voire une procédure de licenciement. Les tribunaux de Prudhommes risquent d’être saisis de nombreuses demandes d’arbitrage. Autre point de friction : qui devra contrôler l’accès aux activités soumises à présentation d’un justificatif du genre QR code ? Avec quel matériel ? Et qui paiera, au bout du compte ? L’état va probablement déléguer cette mission, pourtant réputée régalienne, faute de disposer d’un personnel policier suffisant, déjà affecté à d’autres tâches. Et comment se résoudront les conflits éventuels avec des clients récalcitrants ? La loi devra préciser les choses, et encore une fois le diable se cachera dans les détails.

Commentaires  

#1 Josette 20-07-2021 16:32
Bien qu'ayant accepté la vaccination dans un esprit civique, je m'interroge sur les raisons qui maintiennent les soignants dans cette opposition à se faire vacciner. Il faut avouer que pour un citoyen lambda, cela pose question.
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