Soit foot et tais-toi

Il est de tradition de considérer les sportifs en général et les footballeurs en particulier, comme des personnes dépourvues de raisonnement, souvent incultes et même « bruts de décoffrage » quand leur passion les a amenés à négliger les études et la culture générale. Je suppose que l’on en trouve la même proportion que dans la population en général, et il serait sans doute facile d’en donner des exemples, ce que j’éviterai de faire. Une chose est certaine, c’est que leur popularité en fait des exemples, et parfois des modèles, dont on attend qu’ils véhiculent des valeurs positives.

Un exemple récent vient illustrer cette remarque. Un des footballeurs les plus connus mondialement, Cristiano Ronaldo, a écarté ostensiblement les canettes de coca qui trônaient sur la table où il donnait une conférence de presse, au profit d’une bouteille d’eau dont je ne citerai pas la marque. Dès le lendemain, l’action Coca Cola perdait quatre milliards de dollars à la bourse de New York du fait de cette publicité négative. Depuis quelques années, l’équipe de France de football participe aux campagnes dénonçant le racisme dans le sport, en portant un maillot « no to racism » pendant l’échauffement par exemple ou en participant à des spots diffusés à la télévision. Récemment, les joueurs ont opté pour un geste symbolique, celui de mettre un genou à terre avant le coup d’envoi, en mémoire de Georges Floyd, cet homme noir asphyxié par un policier blanc aux États-Unis, dont le calvaire a donné naissance au mouvement « black lives matter ». Les Français et leurs adversaires d’un jour l’ont pratiqué ensemble à l’occasion des matches de préparation, sans difficulté particulière, mais voilà que pendant la compétition européenne qui se déroule actuellement, les participants se sont fait huer par une partie du public quand ils ont tenté de pratiquer ce geste. Faute d’un accord avec l’équipe d’Allemagne, les Français ont renoncé à ce geste, qui de toute façon, est soigneusement masqué par les écrans publicitaires autrement plus importants pour les chaînes de télévision.

Car le paradoxe, c’est que ce sont les joueurs les plus intelligents et les plus moralement corrects dans cette affaire, contrairement à leur réputation d’enfants gâtés. Et c’est le public qui est à blâmer pour ses préjugés illustrés par des comportements inadmissibles, tels que les cris de singe ou le lancer de banane. Et pour couronner le tout, j’apprends que certains politiques se déclarent hostiles à la pratique du genou en terre au prétexte que ce serait une pratique américaine, importée artificiellement et qui ne reflèterait pas notre culture. Je crois pour ma part que ces soi-disant responsables n’assument pas leur hostilité à l’égard des sportifs « de couleur », car ce sont les mêmes qui se plaignaient du manque de blancs dans l’équipe de France et accusaient les Maghrébins de ne pas chanter la Marseillaise.