Quand les mots manquent

Je l’avoue. Il est très difficile de faire le moindre commentaire après ce nouvel attentat barbare commis à Manchester, et j’ai refusé l’obstacle dans un premier temps, préférant ne rien dire plutôt que d’égrener des banalités convenues, qui ne peuvent en rien témoigner de ce que nous ressentons à l’annonce de telles horreurs. C’est le privilège du chroniqueur que de pouvoir choisir les sujets sur lesquels il souhaite réagir, alors que les personnalités politiques sont contraintes d’avoir un avis sur tout et de le faire savoir dans les meilleurs délais.

C’est d’ailleurs le reproche que Nadine Morano a adressé à Emmanuel Macron, coupable selon elle de n’avoir pas publié suffisamment tôt de communiqué au sujet de l’attentat. Il est vrai que l’attitude d’un politique qui prendrait le temps de la réflexion doit lui être totalement étrangère. Cela dit, les messages des différents responsables reprennent tous peu ou prou les mêmes expressions. Ils soulignent la jeunesse des victimes, venues voir un concert d’Ariana Grande, l’idole des teenagers et des enfants, affirment leur solidarité avec le peuple britannique et renouvellent leur détermination à lutter contre le terrorisme. Que peut-on dire d’autre ? Et malheureusement, nous savons qu’il ne peut être garanti que ce soit le dernier évènement de cette sorte, malgré tous les efforts des personnels chargés de notre sécurité.

Mais même si les mots sont dérisoires au regard de la souffrance subie par les victimes et leurs proches, ils n’en ont pas moins un sens. J’ai été frappé par l’usage du terme « effroi » et celui de « consternation » dans le communiqué de l’Élysée. Même s’ils traduisent une réalité que je présume sincère de la part du chef de l’état, j’estime qu’il aurait été préférable stratégiquement de les éviter. J’ai eu l’occasion à de nombreuses reprises de critiquer le langage compassionnel utilisé notamment par l’ancien président Sarkozy. Souffrir avec les victimes n’est pas le premier rôle du chef de l’état. Si l’homme est touché par l’horreur de l’attentat, le président se doit surtout de montrer qu’il tient le cap sans se laisser intimider ou effrayer. C’est probablement de cette façon qu’il pourra le mieux désamorcer des tentatives de récupération politique que n’ont pas manqué de faire des opportunistes sans vergogne. Au premier chef, naturellement, la candidate battue du Front national, Marine Le Pen, ou le député LR Georges Fenech, qui critiquait les choix de priorité gouvernementale en utilisant cyniquement l’émotion légitime du public. Le dernier mot reviendra à la chanteuse américaine qui a publié ce message : « du fond du cœur, je suis affreusement désolée, je n’ai pas de mots ». Nous non plus.

Commentaires  

#1 Jacotte massé 24-05-2017 10:55
no comment
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