Le droit et l’usage
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 16 mai 2017 10:58
- Écrit par Claude Séné
Le président de la République fraîchement élu vient de désigner le Premier ministre et l’a chargé de constituer le premier gouvernement de son quinquennat, selon l’article 8 de notre Constitution. Il respecte ainsi formellement la procédure prévue par nos institutions et il applique strictement le droit constitutionnel. Cependant, notre Constitution avait été taillée sur mesure pour un homme, le général de Gaulle, et ne prévoyait pas explicitement le cas où le président de la République ne disposerait pas d’une majorité dans le pays, qui se traduirait par une majorité parlementaire.
Ou plutôt, le président de l’époque, celle des débuts de la 5e république, n’envisageait pas un instant de continuer à exercer ses fonctions à partir du moment où le peuple ne le soutiendrait plus. C’est la raison qui a fait que de Gaulle a quitté le pouvoir en 1969 après l’échec de son référendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation. Je fais partie de ceux qui considèrent que la révolte de mai 1968 aurait dû le conduire à démissionner un an plus tôt, mais cela démontre les ambiguïtés du personnage. Le raccourcissement du mandat de 7 à 5 ans, l’inversion du calendrier électoral et la coïncidence des échéances, ont profondément remanié l’esprit sinon la lettre des lois. Deux cas se présentent alors : soit le président dispose d’une majorité parlementaire et il désigne un Premier ministre issu de ses rangs, soit il doit faire face à une opposition majoritaire et il est d’usage qu’il nomme un Premier ministre de cohabitation, généralement le chef de cette opposition.
La situation créée par l’élection d’Emmanuel Macron est inédite, puisqu’il s’est donné pour objectif de dynamiter les anciens clivages partisans et les élections législatives n’ayant pas encore eu lieu, personne ne sait quelle sera la composition de la future Assemblée nationale. Une chose est sûre, il y aura beaucoup de nouvelles têtes, ce qui n’est pas un mal en soi, ne serait-ce qu’en application de la loi sur le non-cumul des mandats. Par le passé, les Français manifestaient généralement une cohérence dans leur choix en confirmant ou en amplifiant la tendance de l’élection présidentielle. Les circonstances particulières de cette dernière présidentielle entretiennent une incertitude totale sur les résultats. Rien n’interdit de penser que le Premier ministre nouvellement nommé soit rejeté par une coalition des oppositions, une sorte de cartel du refus, sans une direction commune capable de proposer une alternative. Ce serait une forme de cohabitation avec lui-même que devrait assumer un président isolé. Le plus probable reste que ce gouvernement, y compris son Premier ministre, dispose d’un mois avant un remaniement plus ou moins profond pour tenir compte de la nouvelle Assemblée et des recompositions politiques éventuelles. Alors commenceront les affaires sérieuses.