Les escarpins
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 1 mai 2017 10:22
- Écrit par Claude Séné
C’est un jour historique, a annoncé samedi Nicolas Dupont-Aignan en claironnant son soutien à Marine Le Pen, moyennant les trente deniers, prix de sa trahison du gaullisme, que représente le poste de Premier ministre qu’elle lui a promis. Je dois reconnaitre que j’étais assez sceptique quand le candidat de « Debout la France » affirmait sans rire qu’il serait au deuxième tour de l’élection présidentielle. Je n’avais pas envisagé qu’il pensait y être par personne interposée. Comme quoi, on peut se tromper lourdement sur les gens. Un peu comme François Fillon, Nicolas Dupont-Aignan s’efforçait d’incarner une rigueur morale exemplaire.
On a pu mesurer la distance des paroles aux actes dans les deux cas. Ce qui est plutôt rassurant dans cette mascarade, c’est l’aveu de faiblesse de la candidate de l’extrême droite. Qui peut imaginer qu’elle proposerait sincèrement le poste de Premier ministre à Nicolas Dupont-Aignan si elle pensait vraiment avoir une chance de l’emporter ? Sa tâche serait déjà assez difficile comme ça sans devoir compter avec un bras droit aussi peu crédible. Finalement, cette annonce a fait l’effet d’un mariage arrangé, une sorte de « noce chez les petits bourgeois » à la mode de Bertolt Brecht, qui n’est pas sans rappeler le mariage médiatique de Coluche et de Thierry le Luron. À l’époque, le contraste entre la grosse mariée et le frêle époux était d’une force comique indéniable. Il est vrai que l’on a beaucoup moins envie de rire des justes noces de la blonde carnassière et de Dupont la joie. Aucun suspense pour savoir qui mangera l’autre au terme de leur accouplement, à l'instar de la veuve noire, l’araignée cannibale.
À moins que l’union ait déjà été consommée et que cet hyménée soit un mariage forcé, pour régulariser, comme on dit. On pense immédiatement au mariage de la carpe et du lapin, tant les époux sont dissemblables, mais on ne s’est jamais interrogé sur les produits du croisement de ces deux espèces, que tout oppose. Je propose de les appeler des escarpins, parce que ça fait joli et que le mot a l’avantage d’exister. Bref, si la grossesse allait à son terme, il serait primordial de noyer immédiatement toute la portée de ces « escarpins » afin d’éviter la perpétuation de leur espèce détestable. Et j’en reviens à ce bon vieux Bertolt, que je citais au début de cette chronique, pour rappeler que « le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ». Si le 29 avril entre dans l’histoire, ce dont je doute, il marquerait le jour où un politique se disant républicain a franchi le Rubicon et fait entrer la louve dans la bergerie.