La dictature de la minceur

Huit présentatrices de la télévision égyptienne ont été mises à pied pour cause de surpoids. La nouvelle directrice, qui a elle-même perdu 25 kilos, leur a donné un mois pour retrouver une ligne plus conforme aux standards désormais en vigueur dans le pays. Il est vrai que près des ¾ des femmes et plus de la moitié des hommes en Égypte sont considérés comme proches de l’obésité ou déjà touchés par ce fléau qui menace leur santé au-delà du simple point de vue esthétique. Comme on le sait, l’image est très importante dans la définition d’un modèle pour les enfants ou les jeunes, et l’on peut comprendre le souci des autorités de montrer l’exemple.

Sur le plan individuel, la décision est très difficile à accepter pour les présentatrices concernées, mais leur métier implique de satisfaire à quelques exigences concernant la présentation et l’apparence physique. Elle traduit cependant une tendance lourde, si j’ose me permettre, qui est de traquer les gros et de privilégier, parfois excessivement, les minces. Comment s’étonner après cela du succès des divers régimes qui fleurissent chaque été en promettant un corps de rêve pour la plage, et qui retombent inexorablement dans un effet de yoyo ? Un des derniers avatars de cette mode est illustré par une idée a priori séduisante, celle de fournir le régime clé en main où l’on vous apporte à domicile la nourriture toute préparée qui va vous permettre de maigrir sans effort. C’est tout juste si vous avez besoin de mastiquer. L’étape suivante sera le repas prémâché, absorbable à la paille.

Ça s’appelle « comme j’aime » et vous avez probablement vu leur publicité à la télé. Ce sont trois générations qui ont essayé la formule, la fille, la mère et la grand-mère. Chacune a perdu entre 10 et 18 kilos. Malheureusement, aucune des trois ne donne vraiment envie de lui ressembler, et le message implicite de la réclame, c’est que l’hérédité est la plus forte et qu’on ne peut qu’atténuer ses effets. L’autre dommage collatéral de la formule est de conforter l’idée que la solution à ce problème comme à beaucoup d’autres vient de l’extérieur, alors que l’on sait que la clé d’une forme physique, hors contexte de pathologie spécifique, repose sur une alimentation variée et équilibrée accompagnée par un exercice physique raisonnable. Sans aller jusqu’aux excès de poids des speakerines égyptiennes, il faudrait aussi mettre moins en valeur ces mannequins filiformes qui font involontairement l’apologie de l’anorexie. Ce serait plus efficace que ces ridicules mentions obligatoires du genre « mangez, bougez » qui servent de cache-sexe aux publicités pour les poisons gras, salés et sucrés qu’ils promeuvent.