Acharnement judiciaire
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 13 août 2016 11:22
- Écrit par Claude Séné
Mais pourquoi tant de haine envers Jacqueline Sauvage, à qui le tribunal d’application des peines vient de refuser une libération conditionnelle qui semblait acquise d’avance ? Peut-être justement est-ce la raison profonde de la décision des magistrats. Puisque tout le monde, y compris le Parquet semblait tenir l’aménagement de peine pour acquis, le tribunal aura voulu manifester son indépendance en ne la prononçant pas. Si c’est le cas, c’est une réaction bien puérile pour un problème sérieux. En quoi la libération sous bracelet électronique de cette femme dont le sort a ému la France entière aurait-elle été de nature à troubler l’ordre public ?
Les magistrats ont assorti leur décision d’attendus explicites. Selon eux, Jacqueline Sauvage a encore trop tendance à ne se voir que comme une victime, sans assumer pleinement la responsabilité de son acte qui a abouti à supprimer la vie d’un individu, certes odieux, en se substituant à l’action de la justice. Pensent-ils que le maintien en détention soit de nature à hâter cette prise de conscience ? Ils devraient de toute urgence réviser leurs connaissances du milieu carcéral qui ne parvient qu’à grand-peine à remplir une partie de sa mission, qui est de séparer les criminels et délinquants du reste de la population et les punir en les privant de liberté, mais échoue largement dans son objectif affiché de permettre une réinsertion sociale. Si l’on ne devait libérer que les détenus qui ont achevé un processus de réflexion sur eux-mêmes et se sont résolus à mener désormais une vie exemplaire, les prisons seraient encore plus surpeuplées qu’actuellement, et c’est déjà beaucoup.
En pratique, ce n’est pas comme cela que le système fonctionne. Il y a une sorte de barème et le criminel « paye sa dette à la société » comme on dit. À moins d’un comportement déviant pendant la détention, les remises de peine sont presque automatiques, et l’on comprend mal que Jacqueline Sauvage soit exclue de ce principe. Au fond, le problème vient peut-être de la mesure de grâce partielle présidentielle. Les conseillers du président ont tablé sur les mesures de réduction et d’aménagement de peine standard pour calibrer la durée de la grâce. Ils n’ont pas voulu non plus donner l’impression de passer par-dessus la volonté de la justice en laissant aux magistrats la décision finale. Cela a sans doute été une erreur. À l’épreuve des faits, il aurait fallu accorder une grâce plénière avec effet immédiat, ou s’en laver les mains. À vouloir ménager la chèvre et le chou, on s’expose à perdre sur les deux tableaux. Il faudra encore tenir pour Jacqueline Sauvage, qui finira pourtant par retrouver la liberté.