La ruée vers l’or

Vous vous souvenez probablement de cette scène mythique du film de Charlie Chaplin, dans laquelle le héros en est réduit à manger ses brodequins après avoir épuisé toutes ses provisions en compagnie du « méchant », le fruste Big Jim. Faisant contre mauvaise fortune bonne figure, il feint de se délecter du cuir allant jusqu’à sucer consciencieusement les clous comme s’il s’agissait des os de quelque volatile. John McAfee, célèbre concepteur de systèmes de sécurité informatique, a promis de répéter l’expérience si lui et son équipe ne parvenaient pas à déchiffrer l’iPhone de l’auteur de la tuerie de San Bernardino en moins de trois semaines.

L’affaire a fait grand bruit aux États-Unis. Après la tuerie de San Bernardino et la saisie du téléphone du meurtrier, le FBI s’est révélé incapable de percer le chiffrement de son iPhone 5 et a donc demandé à Apple de coopérer avec la justice fédérale en lui donnant l’accès aux données contenues dans l’appareil. En effet, le système d’exploitation du smartphone est conçu pour supprimer automatiquement ces informations après 8 tentatives infructueuses d’accès avec un mot de passe erroné. Sans rentrer dans les détails techniques, il existe une méthode de contournement des chiffrements par mot de passe dite de « force brute » qui consiste à essayer toutes les combinaisons possibles de caractères jusqu’à tomber sur la bonne. Si vous avez déjà perdu la combinaison de votre cadenas de valise, vous savez que le procédé est long et fastidieux. Le FBI a donc demandé à Apple par l’intermédiaire d’une juge californienne de lui fournir une « porte de derrière » comme celle de l’employé du magasin qui vous déverrouille votre valise en un tournemain. Refus de la firme de Cupertino qui craint que cela cause un précédent permettant à l’état fédéral de s’immiscer dans la vie privée de ses clients.

Naturellement, les motivations de la marque à la pomme sont nobles et altruistes. Mais il n’est pas impossible que des considérations économiques s’ajoutent aux principes moraux. Ne risque-t-on pas de tuer la poule aux œufs d’or si l’on ne peut pas garantir à ses clients la confidentialité de leurs données ? Et pour assurer la sécurité, qui serait mieux placé que John McAfee, s’il parvient à percer le coffre-fort d’Apple ? Au passage, le fondateur du fameux antivirus qui porte son nom dévoile un bout de sa méthode. Il s’agit de deviner le mot de passe en recueillant un maximum d’informations sur celui qui l’a introduit dans la machine. Ça ne serait pas le boulot du FBI, ça ?