Mais que fait la police ?

Elle manifeste, Môssieur ! Et pourquoi donc, Môssieur ? Parce que les juges, ils passent leur temps à libérer les voyous qu’ils ont tant de mal à arrêter, Môssieur. Qu’est-ce qu’il faudrait faire, alors, Môssieur ? Les mettre en cellule et jeter la clé, Môssieur. Je caricature à peine ce dialogue imaginaire, tant le fossé qui sépare les magistrats des policiers s’est encore creusé ces derniers temps. Le statut des permissions de sortir a cristallisé ce conflit larvé avec l’épisode malheureux de ce policier gravement blessé par un permissionnaire jamais rentré après sa sortie.

Les objectifs de ces deux institutions divergent notablement et peuvent entrer en contradiction. La police a une mission de maintien de l’ordre et de recherche des criminels et des délinquants qu’elle est chargée d’arrêter avant de les présenter à un magistrat. Dans l’idéal, pour eux, et pour éviter la récidive, il faudrait que la seule peine soit l’éloignement de la société qu’ils sont chargés de défendre, soit par le bannissement, soit par l’emprisonnement à vie, puisque la peine de mort a été abolie.

 

La justice, quant à elle, poursuit un autre objectif. Celui de punir les contrevenants et si possible de les amender. C’est une des raisons pour lesquelles la majorité des détenus n’exécute pas l’intégralité de la peine prononcée. Il s’agit d’une part d’exercer une pression pour inciter les détenus à se montrer coopératifs dans l’enceinte des établissements pénitentiaires et acheter ainsi une certaine paix sociale, et d’autre part de leur offrir une chance de réintégrer la société en se comportant conformément à la loi. Dans cet esprit, tout prisonnier a vocation à sortir un jour et il importe de préparer au mieux les conditions de ce retour dans la société, dans l’intérêt même de celle-ci, et accessoirement celui de la personne incarcérée.

La justice se doit d’avoir foi en l’homme, même le criminel le plus endurci, et de chercher à lui donner une nouvelle chance, dans la mesure du possible, tandis que la police cultive la défiance systématique et doit exercer un devoir de suspicion légitime pour ne pas laisser la société sans défense. De cet antagonisme nait le procès en laxisme intenté à la justice par les policiers en colère, alors que les uns comme les autres sont censés faire appliquer les mêmes lois. Des lois proposées par l’exécutif et votées par le parlement, à qui il revient de les aménager si nécessaire.