Le prix des droits de l’homme

Non, ce n’est pas un nouveau prix de l’Académie suédoise créée par Alfred Nobel pour récompenser des personnes « ayant apporté le plus grand bénéfice à l’humanité » dans leur domaine. C’est le prix que coûterait à la France son intransigeance sur des valeurs qu’elle a pourtant contribué à faire connaitre dans un passé plus glorieux. Notre premier ministre a rendu visite à notre meilleur client en matière d’exportations d’armes, l’Arabie saoudite, et il n’est pas question de casser l’ambiance en demandant des nouvelles de ce jeune homme de 21 ans condamné à être décapité et dont personne ne sait ce qu’il devient.

Pour justifier les ventes d’armes, les arguments traditionnels sont généralement de sortie. Si nous ne le faisons pas, d’autres s’en chargeront. La France n’est plus que 5e exportateur mondial,dépassée récemment par la Chine et l’Allemagne, derrière les États-Unis et la Russie, champions toutes catégories . L’industrie de l’armement crée des emplois : 14 000 directs et 13 500 indirects. Par rapport à des millions de chômeurs, le chiffre est dérisoire, et sans commune mesure avec la fabrication de matériels destinés aux énergies renouvelables, par exemple. Dernier argument, et c’est celui qu’a choisi Manuel Valls pour une démonstration par l’absurde, si l’on ne commerçait qu’avec les pays ayant aboli la peine de mort, on ne parlerait plus à grand monde. En effet. Pourtant la France ne vend pas d’armes officiellement aux terroristes, au nom de principes moraux que l’on ne peut qu’approuver. Dans ces conditions, pourquoi le faire à des états dont les régimes sont fortement contestables ? La délégation française avait d’abord rendu visite à l’Égypte dont le général-président n’est pas un modèle de démocratie. Que dire également de nos ventes au Qatar, aux Émirats arabes unis, la Malaisie ou même l’Inde, loin d’être exemplaires dans le domaine des droits de l’homme ?

Mais ça rapporte. Plus de 8 milliards en 2014, et l’on en attend 15 en 2015 grâce au démarrage des commandes du Rafale, notamment, et il faut bien le dire, au regain de tensions au proche et au Moyen-Orient. Qui peut affirmer que les armes seront toujours utilisées pour la bonne cause ? Personne, naturellement. J’aurais même tendance à penser que la cause ne peut être juste si elle doit être imposée uniquement par la force. Quand on aura tout vendu, il ne nous restera que notre âme, pour ce qu’elle vaut.