La grande gueule

C’est plus fort que lui. Le ministre de l’Intérieur n’a pas pu s’empêcher de donner son avis au sujet de la façon dont l’Italie traite la question migratoire, et ce n’est sans doute pas un hasard s’il l’a fait dans l’émission « les Grandes Gueules » sur RMC, le jour même où le ministre italien des Affaires étrangères devait rencontrer son homologue française à Paris. Je pense que Gérald Darmanin s’est imaginé qu’il pouvait jouer tous les rôles à la fois, en anticipant sur ce qu’il espère, devenir le futur chef de l’état, en s’inspirant de son modèle, Nicolas Sarkozy, ou de l’actuel président.

Qu’il n’ait pas de sympathie pour la représentante de la droite extrême en Italie, Giorgia Meloni, pas plus que pour Marine Le Pen ou Jordan Bardella en France, c’est une chose. Qu’il soit en train d’envenimer des relations franco-italiennes qui ne relèvent pas de ses supposées compétences et qui sont déjà suffisamment compliquées comme ça en est une autre. Le principe de base des relations diplomatiques est évidemment celui de non-ingérence. L’Italie a protesté immédiatement contre les propos polémiques de Gérald Darmanin à l’encontre de personnalités italiennes qui ont été élues à la régulière, quoi qu’il puisse en penser ou en dire. La visite prévue d’Antonio Tajani a été annulée, sans qu’aucune date soit pour l’instant avancée pour la reprogrammer. Et pourtant la situation demande plus que jamais d’être discutée entre la France et l’Italie, devant un afflux à nouveau très important de migrants en provenance notamment de l’Afrique via la Tunisie. Les pays européens essaient de se refiler la patate chaude. Un exemple flagrant c’est celui des navires de secours en mer qui sont refoulés par l’Italie au profit de ports français.

Il faudra bien qu’un jour on remette à plat les accords de Dublin, qui font porter l’essentiel du « fardeau humanitaire » sur les pays les plus proches des candidats à l’immigration. L’Italie, bien avant l’arrivée au pouvoir de Georgia Meloni, demande une révision de cette règle, et l’on ne peut pas lui donner entièrement tort. Ce n’est pas en maniant l’invective envers ses dirigeants que l’on fera avancer les choses. L’embarras semble la réaction la plus courante du côté du gouvernement français. Chaque ministre, qui n’a pas plus compétence sur le sujet que Gérald Darmanin lui-même, y est allé de son petit commentaire, pour minimiser ou banaliser des propos irresponsables. Le quai d’Orsay a essayé de recoller les morceaux en renouvelant son souhait d’une coopération entre les deux pays. Mais ni la Première ministre ni le président de la République, dont c’est, après tout, le domaine réservé depuis De Gaulle, n’ont pris la peine de rectifier le tir en recadrant officiellement le ministre de l’Intérieur qui a maladroitement outrepassé ses attributions au risque d’une crise entre deux membres fondateurs du traité de Rome, excusez du peu.