Papier à cigarette
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 8 avril 2023 10:57
- Écrit par Claude Séné
C’est le mètre étalon de la distance entre un Président de la République et son Premier ministre, que l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette. L’expression a été utilisée aussi bien à gauche qu’à droite pour souligner la convergence de vue entre ces deux personnages du couple exécutif. Comme Bouvard et Pécuchet, on peut citer Manuel Valls et François Hollande, ou bien Édouard Philippe et Emmanuel Macron, ou encore François Fillon et Nicolas Sarkozy. Toutefois, Jacques Chirac mettait les points sur les « I » en déclarant : « je décide et il exécute », à propos de ses relations avec Nicolas Sarkozy, alors simple ministre des Finances.
Le seul fait que la Première ministre ait semblé exprimer des nuances vis-à-vis du chef de l’état par rapport à l’attitude à adopter envers les syndicats, est donc un évènement qui aurait eu le don d’énerver l’entourage du Président, et aurait poussé ce dernier à prendre le temps pendant son voyage officiel de s’entretenir avec Élisabeth Borne, probablement pour la « recadrer ». De là à dire qu’il ne peut plus l’encadrer, il n’y a qu’un pas. Pourtant, la brave ex-fonctionnaire dévouée à l’état s’est montrée jusqu’ici d’une loyauté sans faille en avalant consciencieusement toutes les couleuvres attachées à la fonction. Son crime ? Avoir évoqué publiquement la nécessité d’une période de convalescence après le traumatisme de la réforme des retraites. Tout le monde feint de croire que c’est le corps social qui est malade, alors que c’est l’exécutif, sans idées ni majorité pour les appliquer, qui aurait besoin d’un traitement de cheval. Alors le soldat Borne, que rien désormais ne peut plus sauver, s’est acquitté de son devoir sacrificiel en faisant son acte de contrition et d’allégeance publique au chef.
Lorsque le couple exécutif clame haut et fort que son entente est parfaite, c’est manifestement qu’il y a de l’eau dans le gaz et que ses jours sont comptés. Paradoxalement, c’est le président qui est en première ligne et qui focalise le mécontentement populaire. C’est lui, et lui seul, qui est tenu responsable de l’impasse dans laquelle se trouve le pays. La Première ministre ne peut donc pas jouer le rôle de fusible comme il est de coutume. Elle n’est pas non plus en situation de rassembler une nouvelle majorité autour de sa personne pour soutenir un président en baisse constante dans les sondages d’opinion, qui ne représentera bientôt plus qu’un petit pourcentage conservateur, attaché à ses prérogatives. Emmanuel Macron aura beau réfuter constamment le terme de « crise démocratique », qu’il sait mortifère à la longue, la réalité et les faits sont têtus. La démocratie tourne à vide quand le peuple, dans sa grande majorité, est opposé à la politique menée par l’exécutif, et n’a plus aucune confiance dans les institutions pour défendre l’intérêt général, et porter ses aspirations.