Vers un coup de poker ?

Nous y voici. Après deux mois de non-débat sur une loi bâclée, les ultimes tractations entre le parti du président, ses soutiens et ses alliés de circonstance, nous allons savoir si le pouvoir réussit à faire adopter sa réforme des retraites en raclant les fonds de tiroir. Comme tout le monde le sait désormais, le vote du Sénat est acquis, mais celui de l’Assemblée nationale reste très indécis et pourrait se jouer à quelques voix de députés près. Si nous étions au Royaume-Uni, les bookmakers s’en donneraient à cœur joie, et la cote serait serrée.

Au bout du compte et du recompte des votes probables des députés Républicains, le Président est toujours devant le même choix. Faire appel à l’article 49.3 pour sécuriser la décision et ne prendre aucun risque de désaveu par la représentation nationale, mais s’attirer à coup sûr un regain de rancœur et de rancune chez les Français concernés, c’est-à-dire tout le monde sauf ceux qui sont déjà retraités. Ou bien laisser les députés trancher, en courant le risque d’échouer tout près du but, et devoir renoncer à cet accouchement aux forceps. Un président rationnel ne devrait pas prendre cette option à moins de disposer d’une marge de manœuvre d’une dizaine de députés au minimum, mais Emmanuel Macron aime le risque, il est même assez joueur, du moment que ce n’est pas avec son propre argent, et il ne m’étonnerait qu’à moitié qu’il mise son « tapis », tout le crédit dont il dispose jusqu’à la fin de son mandat, sur un coup de tête, un défi. Il a évoqué l’éventualité d’une dissolution de l’Assemblée nationale en cas de mise en minorité, l’adoption d’une motion de censure par exemple. On y a vu une forme de chantage pour peser sur les votes des députés, et cette dimension est sûrement présente.

Mais cette menace n’est pas que formelle. Emmanuel Macron sait que la fin de son deuxième quinquennat va être très difficile. À plus forte raison s’il perd cette première manche, il lui sera très compliqué de présenter d’autres réformes, au fur et à mesure que les dents s’aiguiseront dans son propre camp dans une guerre de succession inévitable. Sa main est faible, et il peut être tenté par un coup de bluff dans lequel il serait ruiné si les Français vont jusqu’au bout et acceptent de payer pour voir, mais où il garde une chance s’il persuade les autres joueurs de se coucher. Nous devrions être fixés assez rapidement, car il devra convoquer un conseil des ministres extraordinaire pour autoriser la Première ministre à engager la responsabilité du gouvernement, en cas de recours au 49.3. Un échec le condamnerait probablement à une fin de mandat sans gloire, l’équivalent du goudron et des plumes, un traitement réservé aux tricheurs, mais à la hauteur de la déception de ceux qui auront cru sincèrement à ses promesses.

Commentaires  

#2 Diabloguiste 16-03-2023 19:12
Je partage votre surprise, tout en sachant qu'il ne faut s'étonner de rien, quand on est si mal représentés.
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#1 Réjack 16-03-2023 14:51
14h47 J'ai parié pour le vote; je lis votre publication en regardant la télé et stupéfaction le Président annonce le 49.3. La démocratie est très malade !
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