Le petit oiseau va sortir
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 28 octobre 2022 11:03
- Écrit par Claude Séné
C’est par cette phrase un peu simplette que l’on essayait de capter l’attention des jeunes enfants afin de saisir l’instant de grâce où l’on pourrait immortaliser l’expression joyeuse des tout-petits. Elon Musk a utilisé cette image pour officialiser le rachat de Twitter, dont le symbole est un oiseau bleu. Et c’est sur le réseau social où l’homme le plus riche du monde est très actif qu’il a annoncé la nouvelle dans un message lapidaire : « l’oiseau est libéré ! » Car Elon Musk prétend que son objectif est purement désintéressé et vise simplement à permettre une expression pluraliste, ce dont on est en droit de douter.
Cette décision met fin à un feuilleton médiatico-judiciaire de plusieurs mois. Le milliardaire d’origine sud-africaine, après avoir presque signé l’accord de rachat, s’était ravisé et avait essayé de renégocier la valeur de l’action en prétendant avoir été trompé sur le nombre élevé de « faux comptes ». Mis en demeure par la justice et risquant un procès couteux, il aura finalement conclu au prix initial de 44 milliards de dollars, considéré généralement comme surévalué. Car Twitter, bien que très utilisé, n’est pas aussi profitable que les autres entreprises, déjà propriétés de Musk, surtout Tesla, les voitures électriques, et Space-X, les fusées spatiales. Mais le nouveau boss, qui s’est pourtant rebaptisé par dérision « Chief Twit », crétin en chef, a son plan : il compte licencier, à terme, 75 % des salariés, et il a commencé immédiatement en virant les trois principaux dirigeants de l’entreprise, dont le PDG, et la responsable de la radiation de Donald Trump du réseau et la fermeture de ses comptes au moment de l’attaque du Capitole.
Voilà qui donne un avant-goût de la conception d’Elon Musk de la liberté d’expression, qui me semble assez éloignée de la chanson de Pierre Perret, la cage aux oiseaux. On a prêté à Musk l’intention de rouvrir les comptes trumpistes, mais l’ancien président a depuis créé son propre réseau baptisé en toute modestie « truth », vérité, une notion toute relative pour Donald Trump, comme on le sait. Jusqu’à présent, Elon Musk a gagné tous ses paris quand il pouvait s’appuyer sur une production tangible et efficace. Avec Twitter, il va devoir rendre profitable une activité relativement immatérielle, dépendant essentiellement de la publicité et reposant sur la confiance. Autant dire que la matière première est très volatile, et dépend des cotations en bourse qui peuvent être très fluctuantes. Mark Zuckerberg, président fondateur de Facebook, et patron actuel de Meta, en a fait l’expérience en perdant plus de la moitié de sa fortune en un an, rétrogradant au 22e rang mondial dans le classement de Forbes. L’avenir dira si Elon Musk n’a pas eu les yeux plus grands que le ventre en absorbant un volatile pesant 20 % de sa fortune actuelle.