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Le paradoxe du piéton et de l’automobiliste
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 15 avril 2021 10:40
- Écrit par Claude Séné
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Une des scènes les plus connues du cinéma français, c’est celle de la collision entre une deux-chevaux pilotée par Bourvil et une grosse berline où se trouve Louis de Funès. Vous aurez reconnu « Le corniaud » de Gérard Oury, où la deudeuche est littéralement pulvérisée dans l’accident, ce qui amène Bourvil à s’exclamer : « elle va marcher beaucoup moins bien, maintenant, forcément » et à se poser la question « qu’est-ce que je vais devenir ? » Ce à quoi de Funès réplique froidement : « un piéton, monsieur ! »
Cette réponse résume assez bien la différence de point de vue entre les usagers de la route en ville. La même personne, sûre du bon droit de l’automobiliste à occuper la chaussée, considérera avec un rien de mépris, voire de commisération, le malheureux piéton qui tente souvent en vain de traverser la rue, y compris sur les passages réservés à cet effet. Dès qu’il descend de son véhicule, ce sera à son tour de vitupérer contre les automobilistes qui ne tiennent pas compte des piétons dont il est désormais solidaire. Toutes proportions gardées, l’avocat-piéton Éric Dupond-Moretti, depuis qu’il conduit la politique de la justice sous la toge du garde des Sceaux, a assez nettement infléchi les positions qu’il défendait naguère. C’est ainsi qu’il faut analyser le texte de loi présenté en conseil des ministres, et baptisé par antiphrase « loi visant à rétablir la confiance des Français envers la justice » en vertu d’une mode de ce gouvernement de donner des noms ronflants à des réformes le plus souvent très éloignées des visées affichées.
Une des mesures les plus discutables concerne la cour d’Assises. Il s’agirait de les remplacer par des cours criminelles départementales, sans jury populaire, pour des peines de 15 à 20 ans de réclusion au maximum. Leur expérimentation avait été vivement critiquée par l’avocat Dupond-Moretti avant qu’il en fasse sa mesure phare, n’hésitant pas, avec son sens de la mesure bien connu, à qualifier le projet de « folie » et d’« hypocrisie totale » à la télévision. Le ministre de la Justice Dupond-Moretti a aussi oublié la pétition signée par l’avocat Dupond-Moretti contre la surpopulation carcérale, repassée au-delà des 100 % après la parenthèse Covid, en se prononçant désormais contre les réductions de peine automatiques, qui permettent de donner un espoir de réinsertion, et d’acheter la paix sociale en détention. La liste serait longue des désarrois de l’élève Dupond-Moretti, ses renoncements, ses revirements, ses combats perdus, parce que non menés. Il a choisi la politique, tout comme il utilise désormais les réseaux sociaux qu’il vouait autrefois aux gémonies dans ses plaidoiries pour défendre ses clients. Le voilà maintenant condamné à assumer à la fois le rôle du docteur Dupont et celui de monsieur Moretti, dans un exercice de schizophrénie inhérent à la fonction.
Commentaires
Les hommes de conviction ne font pas volte face, ils peuvent nuancer leur discours, mais maintiennent la ligne de conduite qu'ils se sont fixée.