Vers un « discordat » ?

Voilà des mois que l’on nous annonçait un grand discours du président Macron sur la laïcité. Personnellement, je ne voyais pas ce qu’il aurait été nécessaire d’ajouter à la loi de 1905 pour adapter le concept qui a présidé à son élaboration. Et d’ailleurs, dans son allocution de Mulhouse hier, le chef de l’état a évacué la question de la laïcité proprement dite en quelques phrases, prouvant bien que les véritables enjeux étaient ailleurs, et que la laïcité ne servait que de cache-sexe à la question de l’islam et de la religion musulmane.

Dans l’état actuel des choses, la loi de séparation des églises et de l’état, garantissant à chacun la liberté de croire ou ne pas croire et de pratiquer son culte en toute indépendance, reste un cadre reconnu et opérationnel. Il faudrait simplement, condition nécessaire et suffisante, que tous les acteurs jouent le jeu et s’y conforment. Or, le véritable objectif de Macron est d’instrumentaliser la question de la pratique religieuse des musulmans en France pour apparaître comme le meilleur rempart contre l’islamisation de la société et couper l’herbe sous le pied du Rassemblement national. Que cette question resurgisse à un mois des élections municipales est évidemment tout sauf un hasard. Non pas pour les remporter, comme le reconnait naïvement le ministre de l’Intérieur, avouant que le pouvoir a d’ores et déjà reconnu sa déroute à venir et tiré un trait sur cette échéance, mais pour faire diversion, et prendre date pour la reine des batailles, celle des présidentielles à venir.

À cet effet, le président a décrété que le mot communautarisme ne lui plaisait pas, et qu’il convenait désormais de parler de « séparatisme ». Effectivement, les mots sont importants et ils ont un sens. Je lis donc dans mon dico préféré : « Séparatisme : mouvement visant à la séparation d’un territoire du pays auquel il appartient ». Les exemples ne manquent pas, du Québec à la Catalogne en passant par l’Irlande. J’ai du mal par contre à me représenter une supposée Musulmanie qui voudrait faire sécession, et je soupçonne fortement le pouvoir exécutif de la créer de toutes pièces pour les besoins d’une cause obscure, dans le seul but d’effrayer le bon peuple et se poser en défenseur de la patrie. Ce que propose Emmanuel Macron, c’est au fond de renouer avec une sorte de concordat, dans lequel le gouvernement aurait la mainmise sur l’organisation du culte musulman, pourrait choisir les imams et les religieux, et arbitrer les financements en provenance de pays étrangers. Donc, maintenir les institutions du culte musulman dans un état de tutelle et d’infantilisation qui l’empêchent de mettre en place une régulation autonome et de faire elles-mêmes le ménage, dans le respect des lois de la République. Nous sommes tout près d’un « discordat » selon la formule inventée par Georges Clemenceau.