« Les confins du monde »
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 2 février 2020 10:30
- Écrit par L'invitée du dimanche
C’est un film de Guillaume Nicloux de 2018 diffusé toute cette semaine à la télévision… l’action se passe en Indochine durant le conflit franco-indochinois, mené de 1946 à 1954.
La brutalité de ses images, la tourmente de ses protagonistes, reçues en pleine figure, m’ont obligée à me souvenir que mon propre frère, militaire de carrière, y avait participé, créant au sein de la famille des dissensions politiques sérieuses autour de la justification de la revendication de l’indépendance et de la pertinence de la présence française en Asie.
Le principe même de la colonisation par les états européens en direction de contrées supposées culturellement inférieures, mais disposant de richesses intéressantes à s’approprier, a commencé dès le XVe siècle par les Portugais et les Espagnols puis très vite les autres états dont la France, se sont mis sur les rangs pour affirmer leur puissance… en plus de profiter des ressources naturelles des pays neufs, et écouler leur production, les colonisateurs souhaitent apporter aux peuplades primitives des avantages culturels, sociaux, artistiques… et la bonne parole chrétienne…
La gauche, comme la droite, ne remet pas en cause cette pratique du racisme, Jules Ferry en 1885 à la Chambre des députés déclare : « les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures, et il y a un droit parce qu’il y a un devoir pour elles de civiliser les races inférieures ».
Seul Clémenceau fera entendre une voix discordante.
Après la Première Guerre mondiale il y a deux grands empires coloniaux : l’Angleterre, 30 000 km², 500 millions d’habitants, la France dix millions de km², 90 millions d’habitants parmi lesquels figurent bien sûr les colonisés d’Afrique Noire, d’Afrique du Nord, les Antilles, et des territoires asiatiques, nommés officiellement fédération indochinoise : Cochinchine, Cambodge, Annam, Tonkin.
Face aux demandes d’indépendance des peuples dominés, les Anglais en 1947 quittent l’Inde, en 1948 la Birmanie, Ceylan et la Malaisie, alors que la France, face au mouvement révolutionnaire d’Hô Chi Minh engage un conflit armé en 1946 jusqu’à la défaite de Dien-Bien-Phu en 1954 (25 000 morts vietnamiens, 2000 morts français, 11 000 prisonniers français torturés, 70 % morts en captivité).
Mendès-France signera la fin du conflit par les accords de Genève. Ce sera une décolonisation ratée, car laissant la place aux Américains pour un nouveau conflit, le plus meurtrier de toutes les colonisations ! Après Dien-Bien-Phu s’amorce un mouvement de décolonisation, pacifique pour l’Afrique Noire, le Maroc et la Tunisie, mais hélas pas pour l’Algérie, dont la guerre ne s’arrêtera qu’en 1962 !
Du fait entre autres de l’éloignement géographique, la guerre d’Indochine n’aura pas le même retentissement sur la population française que la guerre d’Algérie dont les conséquences sont encore très présentes dans nos relations aussi bien avec les rapatriés qu’avec les réfugiés… l’État français qui rechigne beaucoup à présenter des excuses aux victimes a eu par la voix de Macron une parole très forte, très juste et en même temps très courageuse enveloppant tout un passé peu glorieux de la France : « la colonisation est un crime contre l’humanité ».
Rien ne justifiera jamais le « voyage aux confins du monde », si c’est celui de la barbarie contre la civilisation, celui de la négation profonde de la dignité humaine.
L’invitée du dimanche
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