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« Petit-déjeuner compris »
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 17 novembre 2019 10:02
- Écrit par L'invitée du dimanche
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Retour en arrière… nous sommes en 1954, pensionnaire dans un cours complémentaire (ancêtre des collèges) demi-boursière, je suis parmi les élèves les plus pauvres. Les conditions de l’internat sont très dures, pas de chauffage dans les dortoirs et une nourriture de mauvaise qualité, j’ai souvent faim ! C’est une pension « goûter non compris », c’est-à-dire que les parents doivent fournir un complément pour les tartines qui nous sont royalement distribuées à la fin des cours. Mon complément est à la mesure des moyens de mes parents, c’est-à-dire sommaire, un peu de beurre, du chocolat, le tout devant se conserver un mois, autant dire que mon pain est souvent sec !
Mon ordinaire va s’améliorer avec Mendès-France, qui pour lutter contre la consommation d’alcool autorisé jusqu’à 16 ans, décide d’attribuer aux enfants de moins de 14 ans, chaque jour une dose de lait, à la fois pour lutter contre l’alcoolisme enfantin, la décalcification, la malnutrition, et écouler des excédents… je n’oublierai jamais cette petite bouteille de Cacolac journalière, moment de douceur dans une scolarité difficile ! cette disposition qui améliora l’ordinaire de 7 à 8 millions d’enfants restera valable jusqu’en 1960.
Dans les années qui suivront, dans les écoles primaires et maternelles, on continuera à distribuer à 10 heures le matin une collation, mais par souci d’égalité, souvent les goûters personnels seront interdits et remplacés par des gâteaux et du lait, les mêmes encas pour tous, pris en charge par les municipalités ou les amicales de parents. En 1976, la communauté européenne, pour écouler les excédents, donnera des subventions pour une distribution aux établissements scolaires et préscolaires.
L’Afssa* en 1999 va s’alarmer contre cette distribution de sucre qui ne pallie pas l’insuffisance des petits-déjeuners, et fait monter le danger de l’obésité enfantine. Elle préconise un petit-déjeuner équilibré avec distribution de fruits frais qui permettraient aux producteurs locaux de trouver un débouché, elle n’est pas écoutée…
En mars 2004, le ministère de l’Éducation nationale ne trouve pas de justification à cette collation, mais laisse une marge d’interprétations aux enseignants. La collation résiste !
En 2012, à l’école Rosa Park de Strasbourg classée REP, une institutrice de CM2 constatant que sur 19 élèves 5 seulement avaient pris un petit-déjeuner avant l’école, met en place deux fois par semaine le petit-déjeuner une demi-heure avant la classe. Elle demande une participation de deux euros par mois, et se fait sponsoriser par des commerçants. Les enfants décident des menus, participent à la préparation, mettent le couvert, font la vaisselle. Pendant ce partage, multiples sont les occasions d’interventions pédagogiques, leçon de science, de calcul, de civisme… les améliorations de concentration, de stabilité de comportement, de réussite, sont incontestables ! Dommage qu’elle n’ait pas été suivie, et que l’on n’ait pas pris exemple sur la Suède, le Danemark, la Roumanie et la Grande-Bretagne qui ont institutionnalisé le petit-déjeuner à l’école.
Il faudra attendre 2018 pour que l’on prenne en compte la carence nutritionnelle enfantine sur les performances scolaires, en accordant 6 millions d’euros pour mettre en place des petits-déjeuners gratuits deux fois par semaine dans huit académies, dans les secteurs prioritaires où 3 enfants sur 10 arrivent le ventre vide. Cette aide a été généralisée en 2019 et sera doublée en 2020.
Honte à cette société qui en 65 ans, avec des gouvernements divers, n’a pas réussi à éradiquer une pauvreté qui compromet le devenir de ces citoyens, de la maternelle… à l’université ?
L’invitée du dimanche
*agence française de sécurité sanitaire des aliments
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