Immunité
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 30 août 2019 10:30
- Écrit par Claude Séné
Six anciens proches, et non des moindres, de Nicolas Sarkozy vont être jugés en correctionnelle pour avoir bénéficié de commandes de sondages et de conseils entre 2007 et 2011, sans le moindre appel d’offres, alors que l’ancien président, lui, ne sera pas inquiété, bien qu’il ait été le donneur d’ordre. La faute à quoi ? À une bizarrerie de notre droit qui accorde une immunité totale au président de la République pour des actes commis pendant son mandat. Une anomalie que regrette l’association Anticor, partie civile dans ce dossier.
À l’origine de cette protection du chef de l’état, une bonne intention, comme souvent. Il s’agissait d’éviter que l’action politique puisse être entravée par des dépôts de plainte sans fondement réel. Il aurait été trop facile de paralyser l’Élysée en intentant des procédures incessantes. Mais nous en arrivons à une situation paradoxale où seul le responsable principal de l’infraction, si elle est confirmée, échapperait à la justice. À ce stade, on ne peut plus parler seulement d’immunité, mais bel et bien d’impunité. Avec une certaine habileté, l’avocat d’un des principaux mis en cause, le sulfureux idéologue d’extrême droite Patrick Buisson, se saisit de cette faille judiciaire pour argumenter en faveur de son client. Si Nicolas Sarkozy n’est pas poursuivi, c’est donc qu’il n’a commis aucun délit, et Patrick Buisson ne peut pas être complice ou acteur s’une quelconque fraude. CQFD. Les 70 % de bénéfice sur la revente de sondages à l’Élysée ? Ce sont les honoraires « normaux » de son client pour son « travail ».
Nicolas Sarkozy aurait-il cédé à sa frénésie de sondages en tous genres, jusqu’à l’opinion des Français sur la grossesse de Rachida Dati, s’il avait dû les payer de sa poche ? Fallait-il vraiment 250 sondages pour près de 7 millions d’euros pour assouvir la boulimie présidentielle ? La justice devra trancher. Une justice bien tardive, comme souvent, ce qui ne saurait servir d’excuse pour les turpitudes dont sont accusés l’ancien secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, l’ancienne directrice de cabinet Emmanuelle Mignon, ou le sondeur et conseiller Pierre Giacometti. Il existe une disposition qui prévoit que tout citoyen a le droit d’être jugé dans un délai « raisonnable » au-delà duquel il ne saurait être maintenu en détention provisoire. Il serait judicieux d’établir une règle symétrique qui obligerait l’institution judiciaire à statuer sur les affaires dont elle est saisie avant les calendes grecques. Est-il plus grand trouble à l’ordre public que de laisser s’installer le doute sur la volonté de traiter les justiciables avec la même célérité et la même rigueur quand il s’agit de « cols blancs » que lorsque ce sont de petits délinquants que l’on fait passer en comparution immédiate ?
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