La « valeur-travail »
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 6 février 2019 10:35
- Écrit par Claude Séné
Le président n’a que ce mot-valise à la bouche, et toute sa philosophie sociale est fondée sur le fait qu’il souhaite valoriser le travail. À l’écouter, il n’y aurait qu’à se baisser, ou traverser la rue, pour en trouver. Le corollaire implicite de cette affirmation est évidemment que ceux qui ne travaillent pas sont des fainéants, voire des parasites, des profiteurs qui vivent aux dépens des « bons citoyens ». Ça, c’est fait. C’est toujours pratique de pouvoir nommer les ennemis du peuple. L’étape suivante, c’est l’ostracisation. Patience, on y arrive.
Quelles que soient les arrière-pensées présidentielles, on pourrait facilement tomber d’accord sur la faiblesse des rémunérations pour une grande partie des salariés, notamment ceux qui sont payés au SMIC ou juste au-dessus. Puisque Monsieur Macron veut, parait-il, valoriser le travail, il lui suffisait d’augmenter ce seuil symbolique. Au lieu de quoi, il met en place une usine à gaz de plus avec la revalorisation de la prime d’activité, qui est en soi une aberration, la reconnaissance implicite de salaires tellement bas qu’il est impossible de vivre en se contentant de ceux-ci. À la différence des salaires, la prime n’engendre aucun droit supplémentaire pour les retraites, elle est parfaitement injuste à l’égard de ceux qui n’ont pas la chance de travailler, et peut être remise en question du jour au lendemain. Comme d’autres allocations, elle est mal connue des bénéficiaires potentiels, qui ne font pas toujours les démarches pour l’obtenir.
Si c’est le travail qui importe, plus que la qualification ou la pénibilité de l’emploi, rien ne justifie l’énorme disparité dans les niveaux de rémunération. Et la lutte contre le chômage devrait être plus efficace, lui qui stagne à un niveau élevé. On sait cependant que l’économie libérale considère un « volant de chômage » de 4 à 5 % comme incompressible, et même nécessaire pour maintenir sous tension le marché de l’emploi, et il faudrait donc sortir de la fiction du « plein emploi » qui permet de culpabiliser les chômeurs et les priver, petit à petit, de leurs droits. Puisque nous avons un président philosophe, il n’a pas pu manquer de se pencher sur la question du travail en tant que valeur sociale. Il connait bien sûr l’origine du mot, qui le rattache à un supplice du temps de l’Empire romain. Il s’est penché attentivement sur l’évolution du concept depuis la mécanisation et l’avènement de la révolution industrielle. Il sait donc que le travail peut être un outil de l’émancipation sociale, mais aussi un moyen d’aliénation extrêmement efficace. A-t-il suffisamment médité sur le fait que le mot renvoie à une période tragique de notre histoire, quand, associé à la famille et à la patrie, il symbolisait un des pires régimes que la France ait connus, celui du Maréchal Pétain ?