Parlez-vous le bololo ?

Vous, probablement pas, et moi non plus. C’est le terme que le Premier ministre a utilisé pour désigner la situation qui risque de se produire à l’occasion de la manifestation des gilets jaunes le 17 novembre prochain. Celui qui veut bloquer va mettre le « bololo » partout. Le Français, qui n’est pas bête, quand il rencontre un mot qu’il ne connaît pas, remplit les trous avec ce qui lui paraît le plus vraisemblable, ou le plus proche. En l’occurrence, manif, blocage, un mot qui commence par « bo », il pense forcément au vocable que le Président Macron avait utilisé pour les grévistes de La Souterraine.

Ceux-là mêmes qui auraient dû se bouger plutôt que de « foutre le bordel ». Ceux qui auraient dû traverser la rue, une rue de 100 km tout de même, pour chercher du travail ailleurs. Et ils ne sont probablement pas très loin du sens que le Premier ministre a voulu faire comprendre sans assumer l’expression grossière de son supérieur hiérarchique. Une précaution oratoire malheureuse et inutile. Vérification faite, le bololo vient de l’argot militaire et désignerait à l’origine un quartier de N’Djamena, la capitale du Tchad. Une façon de désigner une situation confuse et désordonnée. L’expression résume parfaitement toute la communication gouvernementale sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres. Les technocrates qui nous dirigent s’appliquent à expliquer aux Français qu’ils ont raison, eux, et pas nous, et que nous n’y comprenons rien. Sur ce point, ils ont raison. La trajectoire politique du pouvoir n’est compréhensible que d’eux seuls et encore. Édouard Philippe était supposé rassurer l’opinion en égrenant les mesures de rafistolage pour réparer les effets les plus néfastes des orientations gouvernementales, alors qu’on attend toujours la loi de programmation pluriannuelle sur une politique de l’énergie. Son discours de Diafoirus se conclut par une sorte de « et voilà pourquoi votre fille est muette » dont les destinataires comprennent très bien qu’il s’agit d’enfumage pur et simple.

De son côté, Emmanuel Macron a choisi le porte-avion Charles de Gaulle pour s’adresser à la nation et reconnaitre du bout des lèvres ne pas avoir réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants. Une façon qui se veut subtile de se mettre au-dessus de la mêlée, comme s’il n’était pas lui-même un des acteurs de ce psychodrame, passant discrètement sur la responsabilité de sa politique dans ce grand divorce qui persiste entre le peuple et les supposées élites, dont il fait pourtant partie. C’est d’ailleurs pourquoi il n’a pas l’intention de changer quoi que ce soit à ses orientations libérales néfastes, alors même que la majorité de l’opinion en rejette les conséquences et soutient à 73 % le mouvement de protestation. Le bololo, c’est lui qui le met.