Fors l’honneur

J’en connais un qui ne doit pas être fier en ce moment, il doit même être dans ses petits souliers. Et c’est Bachar El-Asad, depuis qu’il sait que la France envisage de lui retirer la Légion d’honneur dont Jacques Chirac l’a décoré après qu’il eut succédé à son papa, tyran patenté, qu’on n’imaginait pas qu’il puisse dépasser dans l’horreur et la dictature. Je suppose que depuis cette terrible nouvelle, l’autocrate sanguinaire ne doit plus guère dormir, tout occupé qu’il est à se chercher frénétiquement un trou dans lequel se cacher pour échapper à l’opprobre de l’opinion internationale.

Notez bien qu’il ne s’agit pas là d’une mesure prise à la légère. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la France a pris le temps de la réflexion. Tant que le bourreau de son peuple se contentait des armes conventionnelles pour exterminer ses opposants, nous n’avons rien dit ou presque pendant 16 ans. Il aura fallu des violations répétées des conventions sur les armes chimiques pour que l’autocrate syrien devienne officiellement infréquentable. Et encore ! heureusement que le dirigeant honni est doté d’une solide constitution (la sienne, hein, pas celle de la Syrie dont il se moque bien !) parce que la France ne déchoit pas les criminels, même les plus endurcis, post mortem. C’est ainsi que Franco ou Mussolini ont pu garder leur décoration jusque dans leur tombeau.

Cette fois Emmanuel Macron semble avoir adopté la stratégie que les Anglo-saxons désignent par « name & shame », c’est-à-dire nommer pour faire honte, appliquée depuis quelques années aux entreprises qui ne respectent pas l’éthique professionnelle, avec des résultats mitigés, et dont l’avatar le plus récent est le mot-clé « balance ton porc » sur les réseaux sociaux. Je ne suis pas certain que le sens de l’honneur, comme le bon sens selon Descartes, est la chose du monde la mieux partagée. Il me semble que Bachar serait plus enclin à garder le reste, dût l’honneur en souffrir, contrairement à la formule selon laquelle François Premier, battu à Pavie, se serait consolé en écrivant à sa mère : « tout est perdu, fors l’honneur ». Et souvenons-nous de ce dialogue entre Robert Surcouf et un capitaine anglais : « vous, les Français, vous vous battez pour de l’argent, tandis que nous, les Anglais, nous nous battons pour l’honneur », « chacun se bat pour ce qui lui manque le plus » aurait répliqué le corsaire malouin.

Et si l’on commençait par ne pas décerner des décorations à tort et à travers, mélangeant de véritables héros du quotidien comme il en existe quelques-uns, avec des personnalités dont le mérite est souvent très contestable, et parfois purement diplomatique ?

Commentaires  

#1 poucette 19-04-2018 15:35
pour pire un peu : quand représentants du personnel élus aux commissions paritaires nous avons refusé les palmes académiques l'administration les a donnés aux conjoints de mes collègues qui étaient enseignants nous avons bien rigolé...;la mienne été perdue Cam n'étant pas instit
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