Syllogisme

À l’occasion de l’investiture du nouveau président de la République, beaucoup de personnalités politiques ont formulé des vœux plus ou moins sincères pour la réussite d’Emmanuel Macron dans ses nouvelles fonctions. L’exemple le plus abouti de cet exercice convenu est celui de Nicolas Sarkozy, dont on peut pourtant supposer qu’il n’est pas ravi de cet épilogue, mis à part la démonstration qu’aucun de ses concurrents à la primaire de sa formation n’a été en mesure de faire mieux que lui, ce qui n’est quand même qu’une maigre consolation.

Son raisonnement est le suivant : je souhaite que la France réussisse, or la France sera dirigée par Emmanuel Macron, donc je souhaite qu’Emmanuel Macron réussisse. C’est ce que Aristote appelait déjà en son temps un syllogisme, c’est-à-dire une forme de raisonnement logique dans lequel la conclusion découle nécessairement de deux propositions, les prémisses, à condition que celles-ci soient vraies. Le syllogisme le plus connu est le suivant : « tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel ». La conclusion est manifestement vraie, mais n’apporte rien de plus que ce que l’on savait déjà. C’est-à-dire que le syllogisme permet de valider logiquement une affirmation qui va dans le sens voulu par le locuteur. Le danger de ce type d’argumentation basée uniquement sur son aspect formel, c’est de permettre la manipulation en biaisant les propositions à dessein. C’est alors un sophisme, un raisonnement qui a l’apparence de la logique tout en aboutissant à une conclusion farfelue. Par exemple : « tout ce qui est rare est cher, un cheval bon marché est rare, donc un cheval bon marché est cher ».

Dans les vœux de réussite formulés par certains politiques, il y a une prémisse qui est erronée, c’est que la réussite de la France ne peut pas être dissociée de celle d’Emmanuel Macron, ou de tout autre personnage qui se trouverait à sa place. Or, c’est manifestement faux. La politique sociale et la réorganisation du Code du travail, voulues par le nouveau président, peuvent formellement aboutir sans que le résultat en soit profitable, ni au pays ni aux salariés. On peut même craindre que ce soient deux objectifs diamétralement opposés. C’est pourquoi, si je partage le souhait de réussite de la France, je ne le dissocie pas de la réussite des Français, et notamment de ceux qui en ont le plus besoin, les laissés-pour-compte de notre système actuel, et je me soucie assez peu du prestige et du mérite éventuel du chef de l’état, dont la réussite viendra de surcroît, s’il va dans le sens de l’intérêt général et de la réduction des inégalités, ce dont je ne suis pas persuadé.