Responsable, mais plus coupable
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 30 novembre 2014 10:48
- Écrit par L'invitée du dimanche
Comme l’étaient les 343 salopes ayant signé le manifeste de Simone de Beauvoir, réclamant la dépénalisation de l’avortement. Au détour d’un anniversaire national, se glorifiant à juste titre d’avoir mis fin à toutes ces interruptions clandestines où en plus la vie des femmes était hautement risquée, une ancienne blessure se réactive.
Ceux qui reprochaient alors aux candidates à l’IVG de vouloir « un avortement confortable », n’ont pas vécu, dans leur chair et dans leur âme, la complexité de cet acte rendu plus facile par la loi. Ils n’ont pas connu le mépris de certains personnels médicaux pour cette patiente qui a décidé de mettre fin à une vie en gestation. Ils n’ont pas subi leur revanche idiote qui les pousse à la faire souffrir plus que nécessaire, sans anesthésie, pourtant facile à appliquer. Ils n’ont pas subi non plus la cruauté de l’infirmière insistant pour lui montrer le résultat de l’aspiration. Ils ne savent pas non plus comment souvent on a allongé les délais d’examen pour rendre impossible l’arrêt légal de la grossesse. Je sais, on disait qu’il y avait beaucoup de demandes, que les hôpitaux acceptant de réaliser les interruptions ne se bousculaient pas, il n’empêche que 10 ans après la loi, à l’aube de la prise en charge par la sécurité sociale, son application était encore difficile : décider d’avorter était un parcours de combattante à cause des résistances multiples institutionnelles et personnelles (aucun médecin n’était tenu contre son gré d’effectuer cet acte médical). Sans parler du désarroi affectif et psychologique que personne ne prenait en charge. C’est vraiment avoir une pensée simpliste, que de croire que la décision d’une IVG est facile à prendre ! « Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. » S. VEIL. Quelles que soient les raisons qui l’amènent, seule ou soutenue par le géniteur, à arrêter une grossesse, on sait toutes que c’est un acte lourd de conséquences, qui laissera des traces à jamais.
J’assume pleinement la décision prise il y a 30 ans, et si c’était à refaire je le referais, et je ne me sens pas coupable d’avoir supprimé une vie potentielle. Pourtant je porte en moi une cicatrice indélébile et un regret qui font que de temps en temps, il m’arrive de penser que je pourrais avoir auprès de moi un enfant de plus qui peut-être me comblerait de sa présence et de son affection (ou qui me décevrait). C’est idiot, on ne réécrit pas l’histoire, mais c’est humain !
Je sais que dans beaucoup d’hôpitaux les choses n’ont pas changé, de nombreux témoignages prouvent que l’on essaie encore de dissuader les demandeuses d’IVG, et que la chaleur humaine n’est pas toujours présente autour d’elles, mais beaucoup de destins continuent à devenir meilleurs grâce à la loi, contre les réactionnaires de tous poils, et pour cela, merci à Mme Veil qui a résisté à toutes les insultes et menaces, à toutes celles qui l’ont soutenue et… aux 284 législateurs qui l’ont votée !
L’invitée du dimanche