Exhibition
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 28 novembre 2014 10:47
- Écrit par Super User
Une centaine de manifestants s’est opposée à la tenue des premières représentations de l’installation du Sud-africain Brett Bayley appelée Exhibit B au théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis, qui représente des tableaux vivants relatant l’histoire du colonialisme. Ce qui est paradoxal, c’est que partisans et adversaires du spectacle se réclament tous de l’anticolonialisme et devraient donc pouvoir dialoguer plus ou moins sereinement.
Un des chefs de file des opposants, John Mullen, militant anticapitaliste par ailleurs, a fait circuler une pétition et a appelé à une manifestation pacifique devant le théâtre jeudi soir. Les arguments des « antis » sont que la représentation est avilissante pour les acteurs noirs et que la dénonciation du colonialisme est biaisée et trompeuse. À ce compte-là, aucune œuvre théâtrale ou cinématographique ne pourrait aborder de sujet sensible à moins de définir un art orthodoxe qui rende compte de l’histoire sous un angle défini à l’avance. Je serais curieux de connaitre le sentiment de John Mullen sur un film comme « Twelve years a slave » qui montre lui aussi des scènes d’esclavage et de cruauté à l’égard des noirs, mais qui est plus politiquement correct.
Le principal tort de Brett Bayley est d’être blanc, ce qui semble lui enlever toute légitimité aux yeux de John Mullen qui n’aurait sans doute pas accepté l’aide de Johnny Clegg, le Zoulou blanc, dans le combat contre l’apartheid en Afrique du Sud. Ce qui me gêne dans la démarche des adversaires de l’exposition, c’est qu’elle se traduit finalement par une demande de censure en voulant empêcher le public de la voir et de se forger sa propre opinion, y compris en entendant les arguments qu’ils défendent. Il me semble que la démarche est tout à fait différente de celle qui avait présidé à l’installation d’un pseudo village africain dans le cadre du parc à thème « Planète sauvage » à Port-Saint-Père en Loire-Atlantique en 1994. À l’époque, il s’agissait de faire un véritable zoo humain, sans aucune espèce de recul, dans un but uniquement touristique et mercantile, et au mépris des lois régissant le travail.
Les intentions du spectacle vivant de Saint-Denis sont tout autres. Qu’on l’apprécie ou non, c’est une œuvre d’art et à ce titre, elle peut déranger. Quant aux intentions pacifiques, elles sont démenties par les faits puisque les manifestants se sont imposés par la force en brisant quelques vitres au passage.