Je vous demande de continuer
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 26 novembre 2014 10:52
- Écrit par Claude Séné
Nicolas Sarkozy n’aura pas eu l’élégance d’Édouard Balladur, devancé en 1995 par Jacques Chirac au premier tour de la présidentielle et qui avait lancé aux militants qui sifflaient le nom de son concurrent un « je vous demande de vous arrêter » ferme et sans équivoque. Non seulement il n’a rien dit pendant que son ami de trente ans se faisait copieusement huer par une salle tout entière dévouée à sa cause, mais il a affiché un air faussement détaché derrière lequel on sentait poindre un certain sourire.
À se demander si tout cela n’avait pas été soigneusement préparé. En venant tenir meeting à Bordeaux, la ville dont Alain Juppé est le maire, il ne pouvait douter de sa présence « confraternelle », l’occasion de faire croire à un soutien tacite de sa candidature à la présidence de l’UMP. Pour faire salle comble, les organisateurs n’avaient pas hésité à battre le rappel du ban et de l’arrière-ban des militants bien au-delà du Bordelais. De là à penser que des consignes hostiles à Alain Juppé, seul rival crédible de l’ancien président, ont été données, il n’y a pas loin. Tout cela ressemble furieusement à un piège et l’on s’étonne qu’un vieux briscard de la politique ait pu y tomber aussi facilement.
Cet épisode laissera des traces. Pour Alain Juppé en premier lieu. Il n’est jamais facile d’effacer une image de désaveu de son propre camp. Il ne faut pas chercher plus loin l’explication de la dérobade de Sarkozy devant les militants de Sens commun, préférant flatter l’assistance par l’engagement d’abroger la loi Taubira plutôt que de risquer d’être sifflé à l’instar de Bruno Lemaire qui a maintenu sa position. Un engagement qu’il n’a sans doute pas l’intention de tenir, mais qui peut lui rapporter quelques soutiens en vue des présidentielles. Une tactique éprouvée qui consiste à additionner des électorats sans rapport les uns avec les autres en les flattant à tour de rôle, quitte à n’avoir aucune cohérence idéologique, qui est le cadet de ses soucis.
Mais l’incident pourrait aussi se retourner contre lui. On le sait, Sarkozy est une personnalité profondément clivante. Sa course en zigzag lui a permis pour le moment d’éviter les balles, mais l’échec de 2012 a démontré sa fragilité et les lieutenants d’ordinaire si prompts à voler au secours de la victoire, montrent des signes d’attentisme qui pourraient se révéler fatals.