L’Amérique broie toujours du noir

Un jeune garçon de 12 ans a été abattu par la police à Cleveland, dans l‘Ohio, alors qu’il brandissait un pistolet factice. Le policier a déclaré que de là où il se trouvait, il ne pouvait pas voir qu’il s’agissait d’un jouet, une simple imitation. En revanche, il était suffisamment près pour voir qu’il était, sans nul doute possible, « coloré » comme on doit dire dans le jargon policier, ou mieux, un « African American ». Car, aux États-Unis, on a le droit de tuer un enfant ou un adulte noir, du moment qu’on ne lui manque pas de respect.

 

Étant donné la facilité avec laquelle les citoyens américains peuvent se procurer des armes à feu, ce n’est pas étonnant que le policier, blanc, naturellement, ait cru à l’authenticité du pistolet. Quant au jeune Tamir, il aurait dû savoir que son jeu était dangereux dans un pays où les prisons sont remplies à 60 % de noirs et accessoirement 20 % d’Hispaniques, soit 80 % de peaux foncées, et où la police tire d’abord et demande les explications ensuite.

Ce n’est pas la décision du grand jury de Ferguson dans le Missouri de ne pas poursuivre le policier blanc qui a tué Michaël Brown cet été, sans autre raison apparente que sa couleur de peau et son vêtement typique des ados américains, qui va inciter la police à observer une certaine retenue, et même la forcer à respecter la loi qu’elle est censée incarner. Un autre noir américain en a fait l’amère expérience. Frôlant l’exécution de la peine capitale à laquelle il avait été condamné, il sort finalement de prison après 39 années passées derrière les barreaux pour un crime qu’il n’a pas commis et dont il est enfin innocenté. On apprend que son accusateur, un enfant de 12 ans à l’époque, noir lui aussi, avait été manipulé et menacé par les policiers blancs à qui il fallait absolument un coupable.

On a salué, à juste titre, l’avancée que constituait l’élection d’un président modérément coloré en la personne de Barak Obama. Elle est exemplaire d’un mode de cohabitation à l’américaine des différentes communautés et démontre en théorie que tout Américain peut prétendre diriger un jour son pays, mais elle masque mal les énormes disparités de traitement dans cette nation prétendument égalitaire.