Mérite, vous avez dit mérite ?

Une information un peu secondaire de la semaine dernière m’a fait bondir et donner la matière à mon propos : il s’agissait du commentaire qui accompagnait la nouvelle selon laquelle Monsieur Tavares, patron de PSA, venait de se voir accorder un doublement de ses émoluments, soient 5,24 millions d’euros, opération méritée au vu du redressement exceptionnel qu’il avait réussi à faire pour le groupe, puisqu’il venait de dégager un bénéfice de 1 200 000 000 d’euros. Qu’avaient fait les 8000 ouvriers virés par son prédécesseur, Monsieur Varin, pour mériter, eux, la sanction du renvoi ? Au passage, le même Monsieur Varin qui a laissé l’entreprise dans un sale état, ne méritant pas une retraite chapeau, a mérité quand même une rente (admirez la nuance) de 300 000 € par an.

 

Qu’est-ce que c’est que cette notion de mérite qui entraîne des récompenses ou des sanctions ? Il faut en être digne par sa conduite pour jouir d’un avantage, d’un bien, ou au contraire en être indigne et s’exposer à une sanction possible.

La décoration, inscrite dans un rapport social et politique est la marque universelle du mérite, elle en est l’instrument de mesure dans tous les milieux. Aboli en 1790, la république assez vite a de nouveau instauré ce système de cotation sociale au nom du culte de l’égalité, en créant 10 fois plus de distinctions honorifiques que la monarchie.

Il n’est pas une institution qui fonctionne sans ce système de récompense et de mise à l’honneur. Le récompensé devient un émule, à la fois modèle et rival. L’institution scolaire est le sanctuaire des récompenses, croix, bon point, tableau d’honneur... les compétitions sportives, la production industrielle, la recherche scientifique, les arts, décernent prix et récompenses à ceux qui les méritent, palme, ruban, étoile, etc.

La récompense peut être honorifique ou en numéraire, puisqu’il existe le système de « la rémunération au mérite ». Elle renvoie à une forme d’administration du rapport social, et devient un moyen de management, instaurant la méritocratie, moyen de conduire, gouverner et contrôler les hommes et les esprits.

La liste serait longue de tous les ordres institués par la république qui prétendent être la juste mesure des mérites, le premier étant sûrement la Légion d’honneur (93 000 membres, 3000 nouveaux par an) avec tous ses grades, suivi de près par l’ordre du mérite national, le mérite agricole, le mérite maritime, les palmes académiques, l’ordre des arts et des lettres… on s’interroge sur la qualité des récipiendaires qui doivent faire la preuve de mérites éminents au service de la nation, quand on voit à qui sont décernées les médailles ! j’attends qu’on me détaille les services rendus par Mimie Mathy par exemple, ou par le sportif Jean-Claude Skrela… le mérite serait-il en train d’être galvaudé ? Verra-t-on la « méritocratie » remplacée par la « pistoncratie », un mal pour un autre ?

En attendant, au vu des efforts que j’ai faits pour écrire, j’espère avoir mérité de votre part cinq minutes d’attention.

 L’invitée du dimanche

Commentaires  

#2 jacotte 86 25-04-2016 19:04
je m'en souviendrai...mais le plus tard possible
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#1 poucette 24-04-2016 17:26
tu me donnes une idée:à mon avis d'obsèques on pourrait écrire: a eu l'honneur de recevoir aucune distinction honorifique ....ça serait me faire remarquer.
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