La ministre de la Parole

Il y a plusieurs façons de considérer les propositions de Ségolène Royal concernant les sociétés autoroutières. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles ne sont pas passées inaperçues. Partant du constat que ces firmes n’ont jamais fait autant de bénéfices depuis 2005, date de la privatisation des autoroutes, la ministre de l’Écologie a lancé l’idée de leur demander une baisse des tarifs et même la gratuité pendant les weekends.

 

L’opposition n’a évidemment pas traîné pour qualifier ces idées de démagogiques, d’autant qu’elles viennent après le retrait de l’écotaxe, abandonnée sans gloire sous la menace des routiers et l’éventualité d’une hausse de deux centimes de la taxation du carburant. Les Français eux-mêmes sont sceptiques et attendent pour voir. Quant au premier ministre, il a balayé cette hypothèse aussi laconiquement que possible, comme s’ils n’appartenaient pas au même gouvernement ni au même parti politique.

Ces propositions ne sont pourtant pas aussi irréalistes que l’on pourrait le penser, même si l’on y ajoute le financement des infrastructures routières et le développement des transports alternatifs, qui devaient être financés par la défunte taxe sur les poids lourds. Bien sûr, les sociétés autoroutières sont protégées par des contrats « en béton » qui leur ont permis d’engranger des profits records et de servir largement leurs actionnaires, mais la concession de 20 ans expirant en 2025 ouvre un espace de négociation en vue de son renouvellement éventuel.

La méthode employée par Ségolène Royal me rappelle celle du président uruguayen, José Mujica, surnommé affectueusement Pépé dans son pays, qui lui aussi lance des idées, laissant le soin aux politiques professionnels de trouver les moyens de les mettre en œuvre, pendant qu’il continue à cultiver son jardin dans la ferme de sa femme. Depuis son élection il y a 5 ans, son pays a quand même adopté une loi permettant l’avortement, une autre autorisant le mariage des personnes de même sexe, il a légalisé le cannabis dont l’état contrôle la production, et permis une limitation du secret bancaire. Il faut dire que cet ancien révolutionnaire bénéficie d’une popularité à faire rêver beaucoup de politiciens, grâce à la simplicité de son train de vie. Il reverse sa liste civile de président à des associations caritatives, ne gardant que l’équivalent du salaire moyen uruguayen et roule toujours dans sa vieille Coccinelle de 23 ans, son unique patrimoine. Une frugalité que ni Ségolène Royal ni ses collègues de tous bords ne sont près d’égaler.