L’oracle de Macbeth
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 13 novembre 2015 10:33
- Écrit par Claude Séné
Il est différentes façons pour l’homme d’envisager l’avenir. Une des plus courantes consiste à faire des prévisions, plus ou moins fondées sur des réalités observables. Quel temps fera-t-il demain ? La semaine prochaine ? Cet hiver ? Plus l’échéance s’éloigne, plus la prévision devient aléatoire. Lorsqu’il s’agit des marées, on ne dit plus prévisions, mais prédictions, tant les facteurs locaux peuvent infléchir les règles générales telles que l’attraction combinée des corps célestes. Dans le domaine sportif, on va se livrer aux pronostics, qui sont souvent une forme de pari sur le résultat d’une confrontation à venir.
Et l’oracle dans tout ça, me direz-vous ? Shakespeare s’inspire d’une longue tradition grecque en mettant trois sorcières sur le chemin de Macbeth, qui vont lui prédire un destin qu’il n’aura de cesse de vouloir accomplir, fut-ce au prix de sa raison. C’est cette situation qui sera prise en exemple par l’écrivain hongrois Frigyes Karinthy pour élaborer la notion de prophétie auto réalisatrice. Les trois sorcières, ou plutôt le fait que Macbeth les croie, va l’entraîner à réaliser ce qu’elles lui ont prédit.
Quand Manuel Valls évoque ouvertement la possibilité d’une fusion des listes socialistes avec la droite dite républicaine au second tour des prochaines élections régionales, il ne fait pas autre chose que de créer les conditions qui rendraient possible une telle hypothèse, qu’il affirme ne pas privilégier plus qu’une autre. En effet, combien d’électeurs habitués du vote socialiste seront tentés de porter directement leurs suffrages sur les listes de la droite et du centre dès le premier tour en anticipant une défaite annoncée de leurs candidats ? Le moins que l’on puisse dire c’est que cette stratégie est loin d’être mobilisatrice. C’est aussi l’effet pervers des sondages, qui peuvent accréditer l’idée que le vote Front national n’est pas tabou, s’il est partagé par une fraction importante de l’électorat. D’ailleurs, de plus en plus, les sondeurs ne demandent plus pour qui les sondés vont voter, mais qui arrivera en tête, à leur avis. Un pronostic, donc, plutôt qu’une préférence. Le premier ministre a-t-il conscience que ses déclarations sont de nature à crédibiliser davantage encore l’extrême droite ? Difficile de croire le contraire, de la part d’un déjà vieux routier de la politique. Il est plus probable qu’il escompte un sursaut de l’électorat en brandissant une menace de plus en plus plausible. Un jeu bien dangereux devant la résistible ascension de Marine Le Pen.
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