Drôle de drame

Comme tout un chacun, je me suis intéressé à l’affaire Jubillar et au procès du mari, Cédric Jubillar, qui s’est ouvert cette semaine à Albi pour tenter d’élucider la disparition de Delphine Jubillar, son épouse, en décembre 2020. Le procès s’est ouvert pour juger de la culpabilité d’un homme dans un crime sans preuve matérielle, sans aveux, sans corps, sans scène de crime. La cour d’assises devra donc se contenter d’apprécier la crédibilité d’un « faisceau d’indices graves, précis et concordants », tels qu’ils ont pu être établis par l’enquête. En pratique, toutes les autres hypothèses étant écartées, la gendarmerie a été amenée à privilégier la piste d’un crime, dont l’auteur le plus probable serait le mari, qui n’acceptait pas la séparation voulue par son épouse.

En droit, la défense va utiliser les recours possibles et en particulier la présomption d’innocence, d’autant plus que son client n’a jamais avoué quoi que ce soit. Par contre, les « confidences » qu’il aurait faites à une ex-compagne et à un codétenu, qui ne sont peut-être, si elles ont réellement eu lieu, que pure vantardise pour se rendre intéressant, risquent de lui coûter très cher. Dans ce contexte, avoir accepté d’être filmé dans le box des accusés, même brièvement, s’est révélé préjudiciable de fait. Cédric Jubillar est apparu décontracté, souriant, échangeant avec ses avocats, comme si de rien n’était. Une autre particularité dans la procédure, que je suppose être de routine, a consisté dans l’examen de la personnalité de la victime supposée, présenté par un spécialiste qui s’est penché sur le sujet, comme si cela pouvait justifier en quoi que ce soit le crime qu’elle aurait subi. J’y vois, peut-être à tort, une survivance des procédures en vigueur autrefois, lorsque l’on acceptait de minorer les peines encourues au prétexte de « crime passionnel ».

Le profil psychologique de l’accusé, décrit comme impulsif, manipulateur et immature, s’il ne constitue pas en lui-même une preuve de culpabilité, expliquerait un comportement qui pourrait lui nuire dans l’opinion publique, et au bout du compte influer sur le verdict, qui sera rendu, faut-il le rappeler, par un jury populaire, même si la présence de magistrats professionnels devrait garantir l’impartialité de la cour. Au bout du compte, ce sera à chacun des neuf jurés, six simples citoyens tirés au sort, et trois juges de métier, de décider, « en leur âme et conscience » de la culpabilité ou de l’innocence de la personne qui comparaît devant eux, en s’appuyant sur leur « intime conviction ». Sachant que le doute, s’il existe, doit théoriquement profiter à l’accusé, c’est une situation que je ne leur envie pas. Les jurés, comme la société, auront probablement une quasi-certitude, sauf coup de théâtre de dernière minute, mais devront accepter une part incompressible de risque d’erreur judiciaire.