Le drapeau noir flotte sur la marmite

Ce sera donc officiel lundi prochain. Emmanuel Macron va reconnaître solennellement au nom de la France l’existence juridique de l’état palestinien au cours d’une conférence en marge de l’Organisation des Nations Unies. Neuf autres pays, dont l’Australie, la Belgique, le Canada, le Portugal ou le Royaume-Uni, pour ne citer qu’eux, se joindront à la France. Une initiative décriée par Israël ainsi que par son allié « indéfectible », les États-Unis et aussi l’Allemagne pour des raisons historiques évidentes. En France, les avis sont partagés, mais la reconnaissance est surtout approuvée par les jeunes, le Nouveau Front Populaire et Ensemble, le parti du Président.

Le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a proposé aux maires de pavoiser leur ville avec le drapeau palestinien pour saluer cette avancée vers une solution pacifique de reconnaissance mutuelle des ennemis d’aujourd’hui. Une initiative aussitôt condamnée par le ministre de l’intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, au nom de la nécessaire neutralité des services publics. Il a également enjoint aux préfets de rappeler leur devoir aux élus récalcitrants à ce sujet. Le fondement juridique de cette position est flou. Il repose sur une jurisprudence basée sur une décision du Conseil d’État en 2005 s’opposant à hisser le drapeau indépendantiste à Sainte-Anne en Martinique, et il est contredit régulièrement par la présence du drapeau ukrainien sur des bâtiments officiels, en signe de solidarité avec une nation agressée depuis des années par son voisin russe.

On voit bien par là que le drapeau palestinien n’est qu’un prétexte pour Bruno Retailleau et ses amis de manifester leur rejet viscéral de la cause palestinienne, en oubliant que leur formation politique, Les Républicains, a reçu en héritage la tradition gaulliste, puis chiraquienne, beaucoup plus équilibrée. Il faut reconnaître que le président actuel, s’il y a mis le temps, a eu le courage de prendre position au moins sur le principe, de tirer les conclusions géopolitiques d’une solution à deux états, impliquant la reconnaissance d’un état palestinien. Bien entendu, le gouvernement israélien, en particulier le Premier ministre Benyamin Netanyahou, ne peut qu’être très mécontent de la décision française, d’autant plus qu’elle a été suivie par d’autres nations, mais les relations diplomatiques étaient déjà catastrophiques entre les deux pays et ne peuvent que se dégrader encore davantage avec la politique désastreuse de l’armée obéissant aux consignes gouvernementales, qui consiste à organiser le chaos en rasant littéralement ce qui reste de Gaza, et en annexant de fait la Cisjordanie par un grignotage de colonisation inexorable. Pour les populations ballottées au gré des contraintes militaires, déportées du nord au sud puis du sud au nord, le drapeau noir du malheur et de la famine flotte bien sur une marmite vide.