Prime à la casse

Nous le savions déjà, il se confirme que seules les actions violentes attirent l’attention des médias et par contrecoup celle des instances de décision. Les évènements récents en apportent une nouvelle preuve. Il aura fallu que d’honorables avocats soient interpelés sans ménagements comme de vulgaires syndicalistes pour que la ministre de la Justice annonce le retrait d’une des mesures qui ont provoqué leur colère. Cette fois-ci, la violence était du côté de la police lilloise qui a sans doute rendu un fier service au mouvement des avocats contre la réforme de l’aide juridictionnelle.

Attention, toute violence n’est pas traitée de la même manière. Autant les flambées de colère des bonnets rouges ou des paysans ont été tolérées malgré les dégâts importants qui en ont résulté, autant les débordements d’une poignée de militants de la CGT à Air France seront dénoncés avec la plus grande fermeté. Les émeutiers de Moirans en Isère, des nomades sédentarisés, ne doivent s’attendre à aucune indulgence de la part des pouvoirs publics. Ils ont eu le tort de croire que l’état leur appliquerait la même jurisprudence que dans l’affaire du blocage de l’autoroute A1 fin août dernier, quand les manifestants avaient obtenu une permission de sortir sous escorte pour des détenus voulant assister aux obsèques de leurs proches tués dans une fusillade.

C’est que le code a changé entre-temps. Les permissions de sortir sont dans le collimateur des policiers et les élections régionales se rapprochent dangereusement. Pas question de donner l’impression du moindre laxisme. Malheureusement, au lieu de mobiliser quelques policiers pour escorter un détenu pendant une demi-journée, il aura fallu la présence de 200 gendarmes pendant 48 heures pour faire régner un semblant d’ordre républicain, sans empêcher pour autant le Front national de faire ses choux gras des violences constatées. Car le mal est fait, même si le ministre de l’Intérieur, le premier ministre et jusqu’au Président de la République promettent des sanctions exemplaires, l’image restera de ces voitures incendiées, ce restaurant saccagé, cette gare bloquée. Tout ça pour éviter de faire droit à une demande somme toute légitime et dont le coût, aussi bien comptable que politique, ne semblait pas exorbitant. Mais voilà, la posture l’a emporté sur la raison. Il faut dire que, si ça se trouve, ces anciens voyageurs aujourd’hui sédentarisés ne votent même pas. Et c’est l’extrême droite qui empoche la prime à la casse.