Le triomphe du dernier Tsar

Les images parlaient d’elles-mêmes hier soir quand on voyait Vladimir Poutine parader devant ses courtisans, en affichant un large sourire, pour se féliciter des derniers développements de la situation de la Russie sur la scène internationale. En toute immodestie, il affirmait que Dieu lui avait confié une mission, celle de défendre son pays, et qu’il comptait fermement la mener à bien. Tout comme les empereurs romains victorieux, il pourrait profiter des cérémonies du 9 mai, jour de la victoire sur l’Allemagne nazie pour les Russes, pour célébrer son Triomphe en présence des principaux dirigeants mondiaux. Lui-même en serait le héros comme descendant des « césars » dont le mot Tsar est issu.

Pendant ce temps, Donald Trump soufflait le froid et le chaud, permettant à Emmanuel Macron de donner l’illusion que son déplacement à Washington avait permis des avancées diplomatiques en ramenant la France et l’Europe sur le devant de la scène. Macron donnait ainsi l’image d’une complicité et d’une proximité entre lui et le président américain ne recouvrant aucun accord réel. Tout au plus Donald Trump a-t-il annoncé la visite prochaine de Volodymyr Zelensky pour l’amener à signer un accord sur l’exploitation des minerais et des terres rares ukrainiennes, avec la bénédiction de Moscou qui en profiterait pour recevoir « gratuitement » une reconnaissance de fait de l’annexion des territoires conquis par la Russie qui seraient aussi exploités par les Américains. Tout le monde serait gagnant, sauf l’Ukraine, naturellement. Pendant ce temps, le représentant des États-Unis au Conseil de sécurité et aux Nations unies à New-York portait le coup de poignard dans le dos en votant une résolution de paix ne mentionnant pas l’intégrité territoriale de l’Ukraine, en compagnie de la Russie ou de la Corée du Nord.

Ce vote scelle le renversement d’alliance voulu par Donald Trump, et la prééminence des accords commerciaux sur toutes les autres considérations, notamment morales. L’idée du président américain semble être de concéder à Poutine les territoires qui l’intéressent, en prélevant son pourcentage économique au passage, tout en se payant « sur la bête » en demandant une rançon pour rembourser l’aide militaire apportée à l’Ukraine depuis le début de la guerre, et bien au-delà. Le nouvel « ordre mondial » consisterait à entériner les rapports de force et à négocier des « deals » entre grandes puissances. Les efforts, méritoires, des dirigeants européens pèseront-ils sur cette stratégie ? sur le plan économique, le grand marché de 450 millions de consommateurs est une force indiscutable, si les 27 et le Royaume-Uni parviennent à s’entendre, mais la mise en place d’une alliance politique et stratégique susceptible de remplacer ou de compléter l’OTAN demandera beaucoup de temps, si même l’Europe y parvient.