Impossible n’est pas français

La formule remonterait à Napoléon 1er, qui l’aurait employée pour exalter le patriotisme et la fierté d’appartenir à une nation audacieuse, en flattant le chauvinisme pour obtenir le sacrifice suprême des soldats placés au service des ambitions impériales. L’expression a ensuite été mise à toutes les sauces, inspirant un film dispensable de Robert Lamoureux, une chanson de Sheila, plusieurs romans et une émission de l’ORTF présentée par Guy Lux. Il va falloir désormais y ajouter un néologisme, popularisé par le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui a forgé le vocable « impossibilisme » pour décrire la situation de la France par rapport à l’immigration.

Selon lui, nous serions victimes d’un empilement de règles et de lois qui aboutissent à une forme d’immobilisme et empêcheraient la France de lutter efficacement contre l’afflux de candidats à l’immigration clandestine, rappelant furieusement les thèses du Rassemblement national ou du parti d’Éric Zemmour. Le ministre en se rendant à Mulhouse après l’attentat à l’arme blanche qui a coûté la vie à une personne et en a blessé sept autres, a fait l’amalgame entre l’immigration économique, la plus grande partie de l’iceberg, et le terrorisme qui ne touche, heureusement, qu’une infime minorité de ressortissants étrangers entrés illégalement sur notre territoire. L’auteur de l’attentat était un Algérien, que la France a tenté d’expulser à 10 reprises sans succès. Il faut y voir une conséquence des relations exécrables entre la France, l’ancienne puissance coloniale, et l’Algérie, encore plus mauvaises depuis la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Bruno Retailleau mélange à dessein la question de l’immigration et celle du terrorisme. Brahim A. était fiché S, présentait un profil psychiatrique « schizophrène », un terme générique recouvrant des réalités très diverses, et faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

À ma connaissance, aucun signe n’indiquait un début de préparation d’un quelconque attentat, auquel cas, il aurait d’ailleurs été plus rationnel de le poursuivre que de l’expulser, au risque qu’il passe aux actes ailleurs. D’autre part, le ministre rejette la faute sur les autorités algériennes, coupables de ne pas accepter ses ressortissants sur son sol. Mais qui oblige l’équipage qui a transporté le terroriste à l’aller à accepter de l’embarquer pour le voyage retour, sinon le pays qui affrète le vol ? On a la nette impression d’une sorte de pantomime ritualisée destinée à faire croire à une fermeté largement survendue. Le gouvernement provisoire épouse sans le dire les thèses de la droite la plus radicale et se nourrit largement des sentiments xénophobes qu’il encourage sournoisement. Si impossible n’est toujours pas français, « l’impossibilisme » ne l’est pas davantage, et le bouc émissaire étranger a toujours bon dos pour porter tous les maux de notre société.