Rue du château des rentiers
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 3 octobre 2015 10:21
- Écrit par Claude Séné
Je vous jure que je n’invente rien. C’est dans cette rue du 13e arrondissement que se situe la brigade financière qui a eu à entendre en juin dernier les déclarations des anciens collaborateurs de Nicolas Sarkozy au sujet de l’affaire des sondages commandés par l’Élysée pour le compte du chef de l’état. Et en effet, si c’est bien « le château » qui payait, les dirigeants des instituts de sondages mis en cause ont effectivement bénéficié d’une véritable rente. Pour favoriser ses amis Pierre Giacometti et Patrick Buisson, le président donnait ses instructions, relayées par le secrétaire général, et signées par la directrice de cabinet.
L’objet de cette cascade hiérarchique est de faire retomber sur l’échelon le plus bas, en l’occurrence Emmanuelle Mignon, la responsabilité et les ennuis éventuels, en préservant les intermédiaires et naturellement le donneur d’ordre. Autant de fusibles qui pourront protéger le président en cas de besoin. Le système n’a pas été inventé sous Sarkozy, il fonctionnait évidemment aussi au profit de Chirac et probablement avant. La tradition de monarchie républicaine s’est instituée avec la 5e république et la courtisanerie dont se moquait le « canard » autour de De Gaulle. Cette forme de culte de la personnalité s’est perpétuée ensuite, en érigeant le fait du prince en principe. François Mitterrand avec le secret de sa double vie privée n’a rien fait pour arranger les choses.
Ce qui est nouveau, c’est le cynisme avec lequel on valorise l’enrichissement personnel, considéré comme une valeur. C’est Sarkozy qui voulait faire de la France une nation de propriétaires et Macron qui souhaite que les enfants veuillent devenir milliardaires. La droite est tellement « décomplexée et sans tabous » qu’elle ne voit plus ce qu’il y aurait de mal à prendre l’oseille et à ne pas se tirer, bien au contraire. Pourquoi se gêner ? Fêter un succès électoral dans une brasserie de luxe ? Et alors ? Se payer des vacances de rêve ? Se faire rémunérer confortablement pour de soi-disant conseils ou conférences ? Truster les commandes de sondages, d’un intérêt plus que douteux, parce qu’on a l’oreille des puissants ? C’est normal, vous dis-je.
Si la fonction présidentielle continue à protéger celui qui l’exerce, il se pourrait bien que les exécutants soient rattrapés par la patrouille, et notamment Claude Guéant, empêtré dans plusieurs affaires peu claires. Ce serait déjà mieux que rien.